Les illogiciens



Au PFC, Sloane envahit l’espace d’un coup et tous les visages se tournent vers elle quand elle ouvre la porte. L’air glacial fait son chemin jusqu’au délicieux frisson, chacun essaie de garder sa contenance mais en vain : tous sont flaques d’hommes «et que l’on jette par paquets ». Elle est masquée, un loup en dentelle et velours, mais on la reconnaît à ses jambes. Un long pull informe de laine mitée tombant lui colle au corps et dessine pourtant des formes aux proportions assez parfaites. Sorte de pute de luxe de rêve disait d’elle Raymond le Dog, qui porte une perruque rouge ce soir. Eric de La Joya lui l’aime en salope intégrale, idéale et honnête. Rien ne lui va mieux pourtant que l’instant précis qui précède la nudité, si l’on me demande mon avis. L’une des deux Jennifer est menottée au bar. Plus tard, vernissage dans une pharmacie du XIe. Dress code white impeccable. Jean Biton expose ses animaux schizophréniques entre les rayons et les piles de médicaments pour la toux. Les petites sculptures ressemblent à des structures d’ADN qui tenteraient de fuir par la peau. Les peintures sont des grands formats fantomatiques qui évoquent une critique explicite de cette société de consommation qui donne à manger de la vache moulue aux porcs. Sous la peinture, Jean Biton me confie qu’il a peint en première intention une sorte de kama-sutra animal, qui agirait sur le regard subliminal comme un aimant, et déterminait un nouveau type de distance entre l’œuvre, le spectateur et la volonté au sens large, concept rigoriste qui inclurait tout ce qui se veut énoncé et tout ce qui l’est vraiment, dans cet espace mais aussi dans toutes les zones parallèles de l’interprétation du possible. Raymond Le Dog surgit en rugissant dans la galerie centrale après avoir avalé deux tablettes de sulfate de benzoate, une capsule de molsidomine, et une dose massive de curares, puis s’écroule dans un filet de bave cinétique, vague échouée aux courants incompréhensibles devant parterre indifférent. Laszlo et Francine cherchent des extraits de glande surrénale derrière les étalages. On organise une soirée laborantine entre les éprouvettes et les pipettes en verre, et les deux Jennifer mâchent des résines animales debout sur la paillasse, les pieds nus sur la nacre blanche des carreaux du plan de travail. La suite de la soirée est prévue dans les salons d’un hôpital psychiatrique de la rive gauche. Le collectif théâtral des Illogiciens a censément investi les lieux. Les patients aux délires riches sont rivés devant l’écran de télévision. Cela ne fait aucune différence pour eux de voir débarquer à cette heure là par la porte verrouillée, service d’ordre un peu spécial pour l’occasion, un troupeau d’artistes, de pique assiettes, d’alcooliques du milieu de l’art et de noctambules, oiseaux de nuit disparates aux plumes éclatantes, aux couleurs chatoyantes, aux ramages hallucinants et aux délires équivalents. Le mélange se fait sans effort, la sauce prend vite et on écoute DJ Sarki de Mad enchaîner les titres pointus, Zig million first de Wax Party et Représentations 857 de Frukster par exemple, délicat fondu enchaîné en pente douce, mais aussi certains hits et standards de la schizophrénie, Danse des canards, Eros Ramazotti, Daniel Balavoine, Mylène farmer, avec toujours le même art et la même application. Les acteurs illogiciens imitent les symptômes de la folie avec perfection, qui schizophrène catatonique, qui hypomane ingérable, à moins qu’il ne s’agisse en fait véritablement de patients incurables. On trouve de tout dans cet hôpital, et les meilleurs dealers de la capitale se donnent rendez vous dans sa cour intérieure. Sloane et les deux Jennifers sont chambre 139. Raymond le Dog est en chambre capitonnée. FB passe faire un petit coucou, et il me prend pour JPL. Plus tard il me confond encore, mais s’excusant cette fois-ci, avec le fils d’un célèbre écrivain. De nouveaux amis, et des esprits libres. Les symptômes s’étalent. Spectacle humain quand le patient de la 124 se propose de découper de la chair humaine avec les dents. Sur le mur blanc immense, six rétroprojecteurs diffusent en continu chacun à un temps différent sur sa portion, boucles infinies mais décalées, toutes uniques mais qui se rejoignent et s’égalisent, l’intégralité des trois heures quarante sept de film qui voit Biton s’ébattre dans un lit aux draps de satin rose entouré de cinq poupées gonflables auxquelles il fera subir tour à tour tous les outrages.



Bande son idéale: Metronomy - On the motorway

There will be blood




D’autres temps d’autres lieux d’autres visages aussi
Il souhaitait être ailleurs mais se savait ici
Cherchant en souvenir mais il avait trop bu
Quand tout a commencé mais il ne savait plus
Bien en apesanteur dans sa moiteur de peau
Un état consenti quand il était trop tôt
Il regardait en lui et dessous les décombres
Soulevait des abîmes qui n’avaient pas de nombres


La Sybille est passée hier soir. Son corps est fait de la matière la plus souple et à la fois la plus résistante qui soit. Sa peau ne lâche pas. La Sybille a le pouvoir de dire toujours la vérité. On sait mieux aussi quand s’arrêter. Elle a un tatouage en forme de rose à tige longue sur le dos de la jambe gauche qui s’étend depuis la cheville, aux épines apparentes, et qui s’épanouit sur l’envers de la cuisse. Sur le biceps gauche, là où la peau est tendre, face interne, je porte quant à moi la trace d’une jeunesse que j’avais fait marquer au fer pour elle, en lettres gothiques : There will be blood. Une sorte de goût commun pour le rouge donc. La soirée d’hier en a été d’autant écourtée. Je respire l’odeur de son haleine qui reste toujours fraîche malgré les excès de la veille, ou bien est-ce là une espèce d’alchimie des corps. Michel Michel au téléphone. Il a passé la soirée avec Romain Duris au Grand V à célébrer l’intronisation de VDB, il me parle d’olives, je ne comprends pas très bien, il a un drôle d’accent suisse pour l’occasion, ça doit faire sens mais je passe. Ceci dit, au même moment Aka Lulu était lui aussi avec Romain Duris dans un loft du XVIIIe pour un concert privé de Pharell à l’occasion de la sortie tant attendue du magazine Vicious. De toute façon, là où il fallait être c’était au PE pour le concert de Rubix Diamond suivi de l’open bar VIP et, après transmigration, une entrée remarquée et anti politiquement correcte au PP serait alors du meilleur goût, pour finir d’écouter les Suprakids en appuyant du pouce sur la taille de son voisin immédiat, appel sexuel sans équivoque et qui serait suivi d’une non moins délicate attention ou d’une réorientation situationnelle selon le type de réponse provoquée. Rester quoi qu’il arrive délicat et courtois. Le Gecko attend en bas de la rue : j’avais complètement oublié. On descend en pyjama d’hiver, bas de jogging gris coton, basket Nike vintage, lunettes noires à verres à peine teintés, montures vertes pour La Sybille, rouge pour moi, comme qui dirait les complémentaires, fourrure simili renard et un peu du brillant de colliers dorés autour du cou, cuir intégrale pour elle, imperméable jusqu’au dessous de genoux, mocassins en croute aux pieds tandis qu’elle a eu le temps ou le sursaut d’enfiler ses bottes à peau tachetée par-dessus ses bas déchirés de la veille. Limousine noire, vitres fumées, une halte gastronomique et Le Gecko qui tourne un peu parano profite d’un arrêt pipi du chauffeur pour enfin se retourner vers nous et nous annoncer la grande nouvelle : il a décidé de donner son sperme. Puis on descend jusque dans le pays de La Sybille. A venir dans ce centre du monde, un grand méchoui argentin de fin d’année, le concert de YX suivi de la préfiguration du set de Sorrento Siren, juste signé sur un label Hollandais. Puis toute la nuit, dans les champs, sous la lune et les étoiles, pour tous ceux triés sur le volet, les festivités se poursuivront, de toutes sortes. Dans un autre genre, une soirée s’organise à cinquante kilomètres de Paris et je reçois un coup de fil de Johanne qui recrute pour la peine de nouveaux membres, physique exemplaire et endurant exigé. Mon cousin Gilles est bientôt sur Paris. Dans le TGV, à côté d’un croate engagé dans la légion étrangère, mercenaire en Irak, il a entendu parler d’un certain type de club de l’autre côté de la frontière espagnole. C’est là que j’irai passer le nouvel an me dit-il. Je l’encourage, j’évite en toute bonne foi de lui parler des quelques soirées privées qui risquent d’être de petites folies où il faudrait être (rave en jardin d’intérieur, réveillon dans la piscine de sous sol d’un hôtel particulier du XIVe, dîner aux chandelles au conseil d’état suivi de sa free partie masquée, mix interminable + concours de jerk dans l’appartement qui donne sur la seine de Mick Jagger envahi pour l’occasion par un collectif de graphistes skaters new yorkais, islandais et berlinois qui ne se sont jamais vus et qui ne communiquent qu’en castillant, et rassemblés sous un nom imprononçable : Krdjfghi jolï). Mais après renseignements, le club sera fermé ce soir là. Je lui rappelle que la dernière fois qu’il est rentré dans un bar à hôtesse, ayant vomi sur le comptoir après douze verres, il a dû éponger le sol, et puis appeler son père, charcutier-boucher de son état, pour l’aider à payer la note en sortant. Puis je raccroche sans attendre de réponse, et je le laisse avec sa conscience. Gecko me dépose, seul. Retour au loft, et rien n’a bougé.

Impeccable mémoire indestructible éther
Qui savait effacer ce qui était hier
Ne sachant faire l’effort de fournir un projet
Il se laissa glisser jusqu’à s’abandonner
Nu et sans plus de souffle et trahissant ses mains
Qui tremblaient de désir à ne saisir plus rien
La soif d’un lendemain bientôt le reprendrait
Alors il serait l’heure bientôt recommencer


Bande son idéale : Late of the Pier - Whitesnake

Nuit blue néon fumée



On se retrouve comme d'habitude à la table du fond en train de siroter un gin vodka quatre olives ou bien un mojito coco. Sloane est New Yorkaise ce soir, elle porte son fuseau rose flashy et pied de poule antisocial, ses cheveux sont gras, ses yeux lourdement maquillés de khol, et le rouge de ses lèvres tire sur les aigües, une des deux Jennifer qui l'accompagnent en essuiera le bord avec une petite serviette carrée R Club. Sono basse pression à l'heure de commencer la soirée, Timide Ohara et Vleria Suicidal Club s'enchainent aux platines, sorte de mélange de rock tzigane berbère et de minimalisme allemand mais venant du Danemark. Michel Michel rentre de sa tournée promotionnelle au Japon, et il en a profité pour faire un reportage photo sur ces kids qui pêchent dans le métro de Tokyo et sur les âmas. Vernissage pour tous, ce soir encore nous sommes neufs à nouveau et dix à ouvrir les portes de la galerie LH pour prophétiser la mort du concept et l'avènement d'une nouvelle ère post consumériste à tout prix: la sandalle comme étalon de représentation. BabylGirl estampe chaque oeuvre d'un "Approuvé" ou "Non approuvé", on a rendez vous chez Little Joe dans l'est. Dans les taxis, conversations au choix sur les bienfaits d'une irradiation à petite dose au long cours comme mithridatisation ou la façon de bien extraire son grain de peyolt. Jim nous rejoint, il revient d'une quête de vision à l'ayauascua en pays basque, et ça me rappelle qu'en cas d'abduction, la seule chose qui est vrai, c'est la douleur des sondes dans le corps - tout le reste n'est que poésie. Retours à la réalité, Little Joe finit sa pizza quatre fromages, sa copine a les pupilles dilatées mais elle dit ne prendre que de l'amour en doses, dans les WC le mur blanc monochrome est traversé par le mot Hémoglobine en lettres rouge sang. Little Joe compose d'étranges cocktails sirupeux à base de fruits inconnus, et nous propose de mélanger nos fluides dans le shacker mais il est l'heure. Little Joe s'habille alors, réalisant qu'il est nu, et dehors le froid nous plaque contre le mur pour une fouille au corps. Dernier passage au Carmina avant de passer la foule pour l'entrée du SV, où DJ Truisme manque de s'arracher un oeil en voyant Sloane sculpturale se hisser jusqu'à lui pour lui demander de passer les Mohicans, private joke délavée et que personne ne pourra partager, mais Truisme n'entends pas, enlève son casque d'une oreille et penche sa tête sur le côté, et apparemment souffre d'apraxie relative puisqu'il s'enfonce la paille de son soft drink dans l'oeil droit. Sloane est déjà loin sur la piste, elle transpire et tous ont envie de frotter cette peau avec sa peau. Dehors la nuit vaporeuse bleue néon fumée encourage les originalités affectives. Nos vies et nos actes dans le secret échappent alors à toute logique explicative. Jusqu’au matin la lumière de la lampe de chevet près du lit se refléte dans le miroir, diffractions lumineuses ondulatoires sur la pâle pelure rigide et stratiforme du réel. Adjoindre une infinité d’éléments conjugués à la scène.



Bande son idéale: Intergalactic - The Beastie Boys

Chambre 208



Jusque là j'écrivais sur deux personnages choisis au hasard pour être sans le savoir les protagonistes d'une situation créée de toute pièce, conglomérat cheval de Troie dans l'avancée masquée des choses. Martial Béranger par exemple, s'élance dans le couloir les oreilles volontairement remplies de cire liquide. Des vaguelettes chaudes et épaisses s'écoulent à chaque impulsion dans ses circonvolutions labyrinthiques et troublent le rapport proprioceptif de ses membres avec son cerveau. A huit mille kilomètres de là au même moment,Yann Gùnzbek met un terme à la prépondérance de l'étrange dans un rapport curieusement intitulé "L'astringent: notes sur le monde" et qu'il remet bientôt à son directeur de thèse, catcheur mexicain le soir (El Poderoso). Puis Martial lustre sa housse de raquette tout en sirotant un délicieux gin martini à la paille. Il respire par le nez à intervalles réguliers, et son sourire se veut étanche (au fond de la coupe ce n'était que chair et noyaux, il lèche maintenant le résidu comme des cailloux de miel). Yann Gùnzbek lui s'apitoie sur son sort au maximum de sa concentration dans l’arrière cour d’une pulqueria du D.F., décidé à extraire le près et le contigüe de la zone de friction qu'il avait délimité en grattant le dos d’une épluchure d’orange, étendu par terre et nu. Intuition panique un matin: pourquoi ne pas brûler du feu de l'intérieur? L'heure approche, on se retrouve enfin sur la terrasse du PE, et Sloane et ses deux Jennifer ont des jupes à carreau et des tenues d'écolières. Début de soirée chez Jean Biton, dîner et autres affaires mondaines sous des trophées à tête de lapin à cornes, et regardés par des masques africains. On parle du succès de la contre Fiac organisée par Biton. On écoute Crass, en souvenir du bon vieux temps. Angoisse soudain, qui se sent vieillir? Sloane se lève et s'en va car la nuit est jeune. Nous la suivons, ses jambes agiles tapent le talon sur le sol et c'est l'hymne de nos nuits. Les deux Jennifer s'attrapent par la main et accourent de façon systématique et étudiée vers les passants. Nous portons des lunettes un peu spéciales pour l'occasion, asymétriques et de montures différentes jointes au fer au milieu. Au 00 cocktail rhum gingembre, le meilleur de la ville. Plus tard, maintenant, Crescendo donne le meilleur de son mix dans la soirée privée d'un couturier hystérique, puis on file à l'after chambre 208 de l'hôtel K. Sloane est debout sur le lit, immobile, et sa jupe remonte comme par magie le long de ses hanches magnifiques comme elle danse, lascive, et personne n'ose encore approcher, profitant de ces derniers moments de repos avant l'action. Jennifer, assise en culotte sur la moquette jusque là, enfin se lève et l'accompagne. Oui mais laquelle? Celle qui a une marque de naissance au dessus des reins. Alors il advint quelque chose de très inattendu. Dehors, le jour se lève. La lumière perce à travers le filtre-paranoïaque des rideaux. Le vent tiède fait voleter le tissu épais et blanc, épousant par ses contours un mouvement silencieux lent et pendulaire. Les nuages au-dessus des bâtiments semblent s’étirer prodigieusement, embrasés de rouge et tendus sur toute la longueur du ciel. Dans la pièce, à l’obscurité succède la clarté et le dû remplace enfin la promesse.

Bande son idéale: The Beastie Boys- Intergalactic

Polygamie urbaine


Déjeuner avec mon éditeur, brasserie des Editeurs. C'est d'un conformisme. Elle a un bout de salade coincé entre les dents. J'ai encore un arrière goût de vodka dans le fond de la gorge. Autant de sujets que nous choisissons délibéremment d'éviter. Je lui parle de mon projet de cerner la monomanie de façon à la fois objective et définitive, et de la contrainte formelle que je m'inflige en ce moment (écrire en alexandrins parfaits) mais curieusement elle ne s'anime que quand X qui déjeune à côté de nous se lève et quitte la salle, alors elle devient intarissable comme si tout ce temps où il était là elle n'avait pu retenir qu'à grande peine un besoin qu'elle avait avec moi de se répandre avec lui, sorte d'échangisme discret, mondain et parfaitement urbain. Je lui confie que je pense bien n'être pas monogame et elle me demande ce que j'entends par là. Je lui dis que je suis polygame et elle étouffe un petit sursaut de digestion. Plus tard, à l'hôtel, tandis que nous faisons l'amour, je repensais à la femme médecin qui avait décidé de séduire Sollers un matin sur une terrasse du Port Royal, à son état de détresse psychique de cette amie très chère et à tout ce qu'elle s'infligeait pour devenir enfin ce qu'elle pensait être mais les griffes de mon éditrice me lacéraient le dos. Plus tard, en fumant ses cigarettes sucrées, elle me parlait de la polygammie urbaine, sorte d'état d'éveil permanent à toutes les solicitations qu'une ville comme Paris pourrait présenter. Je consulte mon ostéopathe dans le VIIIe, qui est aussi le médecin personnel d'Edouard Baer et il me raconte comment on remet en place le coccyx en cas de fracture interne. Dans la majorité des cas, ce sont des femmes qui souffrent de ce type de fracture, ou bien elles seules consultent. Le toucher interne du thérapeute doit rester professionnel et élégant. Pour finir je dîne avec Michel Michel qui est descendu de chez lui en presque pyjama et Grégory Mickaël qui vient de mettre un point final à son roman. Michel Michel n'est plus dyslexique. Grégory Mickaël passe la moitié du repas au téléphone avec MissC qui sera demain de passage à Paris. Ensemble nous décidons d'organiser une lecture commune impromptue dans une galerie du IIe qui attire aussi bien le badaud et les curieux que certains collectionneurs qui se passeront vite le mot, lecture qui sera suivie d'un concert à la guitare sèche, puis d'un strip tease intégral de Michel Michel qui ne portera plus qu'un masque de lucha libre sur le visage, et je me décide - trop tard comme d'habitude - à rentrer pour méditer. J'évite ainsi presque scrupuleusement les endroits où je pourrais tomber sur Sloane et ses Jennifer ou d'autres joyeux noceurs car ce soir c'est dodo. Demain j'écris. Mais comme il est encore un peu tôt, au M avec Amy et Shancy, deux étudiantes américaines qui aiment boire du champagne à l'oeil, je m'abîme sur des coussins rouges en velours en regardant une superbe blonde aux jambes immenses livrée aux jeux de mains de deux mâles bruns trappus comme des siciliens ou des bouledogs, puis Amy me prend par la main et je la suis. On a perdu Shancy.

Bande son idéale: Nine inch nails -Closer

Noël idéal




Noël féérique dans les bois de Meudon, au centre du cercle sous les pins, truffes et champagne et patates douces pour l'occasion, tous en longues robes noires, musique classique et courtoisie de mise, dans l'ancien pentagramme tracé par des apprentis sorciers, ça peut sonner étrangement mais on apprend beaucoup sur soi dans ces occasions décalées.
Le lendemain, tous à la Défense pour exiger nos cadeaux sous forme de bons au porteur, bien sûr il n'y a personne mais on ne nous laisse pas rentrer pour autant quand il s'agit d'occuper l'espace vide derrière les vitres transparentes comme des comptes banquaires genévois. Course poursuite dans les allées bétonnées, finalement tout s'arrange : Alex et Felix les deux vigiles sont fans du film Human Nature, et je suis le cousin de Michaël Gondry ce jour là.
Nous sommes une poignée à croire au renversement des valeurs ce jour précis, et quand la nuit tombe (17heures) on se dit que c'est déjà un coup de pied dans la fourmilière, que tout compte absolument, qu'à l'indice boursier une valeur peut atteindre 1000 fois son cours en moins de huit mois, et qu'on n'a rien à manger dans le frigo.
Fin de soirée chez Vlad, DJ Placenta la nuit, qui parle mal français et qui joue toute la journée à GTA IV ce qui forme son accent serbe si particulier à l'anglais de la rue, et cet autre univers virtuel dans l'écran plat coins carrés ressemble tellement au notre que je me demande si les vrais sociologues de ce temps ne sont pas les concepteurs de jeu pour Xbox ou autres, mêmes lenteurs, mêmes attitudes, mêmes conformismes, mêmes exaspérations chez les copies d'humains si bien étudiés et même furie la nuit. A quoi pensent ils tous ces humains dupliqués dans le virtuel? A la même chose que nous. Alors la fiction devient la réalité et vous êtes tous concernés par ce qui s'écrit ici.
Bon on n'a peut-être rien à manger mais on a des amis. Je rentre tard, à pied, tous les bars sont fermés, je me couche sans plus y penser, mais je me réveille à 4AM en sursaut en pensant à la petite australienne que j'avais croisée l'avant veille avec ses yeux d'espagnole et son sourire à la Meg Ryan, et il me vient l'envie de quelques virtualités qui dissiperaient mon embarras. Au lieu de ça j'opte pour le concret et la puissance du réel, composant son numéro de mobile dans le noir, et j'attends qu'elle réponde. Je l'inviterais à Serre Chevalier pour le nouvel an sous la neige. Là, dans le jaccuzzi du chalet d'un créateur de lunettes en écaille de ma connaissance, je verserais le champagne sur ses seins et je le boirais à la peau. L'autre soir, notre premier soir, elle n'a même pas voulu que je lui lèche la main. Ce soir elle me répond qu'elle est déjà repartie à London. Tant pis, je me rabats sur une amie toujours disponible, et qui n'habite pas loin. Le matin, petit déjeuner au lit. Puis elle a la délicatesse d'aller travailler très tôt. Je finis par inviter une de ses voisines que je croise dans l'escalier à une soirée que je n'avais pas prévu d'organiser.
Etrange latence de fin d'année. Tout semble possible mais en suspend. 2009 à l'horizon. Arride. Cruelle. Désespérée. Sexy.
Le bitume. L'espace. La toundra à perte de vue, et le vent sifflotant dans les cheveux. Avaler le temps. Caresses sur peau tendue. Le cuir crisse. La morsure qui avive. Comme piqure de rappel du réel.
Ce soir, Sloane fera sa tournée d'adieu pour 2008. Celà durera trois jours et trois nuits.

Bande son idéale: Yuksek- Deladeu2