Cinétique autorisée et pixels de joie




De grandes périodes de trouble. Des creux en descente à attendre. Le mouvement des vases communicants ou la description des forces cinétiques et de leurs effets expliquent très bien ceci : l’attente d’un jour nouveau, un jour neuf, un jour après une nuit comme une guerre, et qui propulsé par l’élan de la chute initiale mettrait à profit toute la célérité pour gravir à nouveau tous les sommets que l’on rencontrerait, à bout de bras vers ciel, la pulpe bien agrippée contre la terre encore humide de la rosée, les coudes enfoncés dans le meuble, et l’œil enfin redevenu lumineux (dans une autre métaphore sans pente douce, on admet aussi l’écrasement définitif contre le sol mais mieux vaut ne pas y penser). Pour beaucoup le début de la fashion week annonce ce jour là, de façon obligatoire et nécessaire. Alors peu importe ce qu’il en coûtera, la semaine sera fulgurante ou bien elle ne sera pas. Certaines de nos connaissances, pour ne pas subir tant de pression ni cette mordante obligation de la joie à toute heure, choisissent de s’absenter de Paris quelques jours pour un aller-retour chez leur tante à l’ouest du Canada ou en Suisse. Bien mal leur en prend, car à ce jeu là, si l’on est assuré d’avoir ici quelque chose à vivre, en bien ou en mal, on ne peut pas appréhender dans toute sa complexité l’ensemble de ces vies que l’on n’aura pas vécu, tout ce qui ne ce sera pas dit ni ce qui nous aura manqué, non plus tous les mécanismes qui en découlent et en viennent à l’accélération et à la résolution de paraboles globales. Ne pas fuir donc, en aucun cas, et arborer son happy sourire le plus tranquille et festif, derrière des lunettes noires JG, les cheveux raidis et lissés, noués haut au dessus du crâne comme un nœud de paquet cadeau improbable, les oreilles trouées d’implants et le cou tatoué en biais. Boire bien toute la joie jusqu’à la dernière goutte, car la question ne se posera plus en fin de semaine : la joie est bien liquide. On ne dort plus, où on ne le sait plus. Peut-être au bas des podiums les yeux brièvement clos derrière les montures soignées à rêver d’un œuf immense sans début ni fin, et qui s’étendrait sur toute la surface de la Terre, tandis que les collections prestigieuses font crépiter les flashs et relâcher les soupirs les plus distingués. On se réveille dans un placard la chemise défaite et la bave aux coins des lèvres, à se demander véritablement où l’on est, ce qui revient un peu à se demander en réalité qui l’on est et aussi quand. Prendre des notes. Ecrire sur soi ou sur un autre corps, ce que l’on veut et où l’on va, flèches multidirectionnelles croisées avec d’autres messages concordants, la peau comme une carte au trésor à explorer. Saläs et Fuke sont deux journalistes coréens chargés de couvrir l’évènement pour Soleil 9, et ils me suivent partout, n’intervenant parfois que pour m’indiquer l’endroit le plus près où je pourrais reprendre l’équilibre, ou pour m’assurer que nous sommes à l’endroit indiqué quand j’essaie par tous les moyens de remonter jusqu’à l’origine de la soif. Soirée au V en plein cœur du Parc Monceau, la femme médecin est en vert, elle rencontre un présentateur météo très strict qui aime à parsemer ses interventions de petites intentions ciblées auxquelles on ne prête pas attention, sauf les personnes concernées (ce qui peut parfois surcharger le discours et l’oblige à parler très vite). Sloane fait une apparition remarquée à l’hôtel particulier redécoré en blanc pour l’occasion chez KL, habillée de la tête aux pieds en Virginie Koriola, ex décoratrice bulgare et fille adoptive du couturier bannie pour une histoire d’olives, mais les pieds s’arrêteraient au dessus du mi cuisses et les épaules sont nues sous un châle noir comme la nuit parsemé d’étoiles. Les deux Jennifer portent des bougies à flamme violette, larges, hautes, et dont la cire chaude leur aura recouvert les doigts, incrustant les chairs sous les rameaux veinés et durcis de matière parfumée. Soudain Marijane fait son apparition portée à bout de bras au dessus des épaules de ses deux Vladimirs, sans toucher terre, des colliers en or et des bracelets cinglants lui enchaînant le corps, drapée dans une tenue transparente maintenue sur elle même par une épingle en forme d’iguane, ou bien par un lézard vivant charmé et dressé pour mordre, à la fois dense et légère, et magnifiquement dessinée surtout, comme tenue au ciel par les fils imaginaires d’une incroyable réalité ou une aura persistante qui gagnerait tous les cœurs. Sloane et Marijane se regardent brièvement du coin de l’œil, des yeux outrageusement maquillés pour l’occasion. Elles ne se sont pas vues depuis le lycée, se partageant pour nous la nuit aux frontières mouvantes et imaginaires. Rien n’est plus comme avant, je me retourne vers Orion. Il écarquille de grands yeux et souffle entre ses dents en mimant le mouvement de la tortue du temps qui soutient le monde. Depuis là où je suis alors, quelques temps ont passé, et sous la statue grecque du satyre à la vigne qui surveille le quart oriental du jardin d’hiver, mon champs de vision révélé par les lumières du projecteur de la télévision coréenne, le moindre grain de sucre sur le sol mouillé par la bouteille que j’aurais disons renversée est un monde de réflexions vibratiles et de perceptions lumineuses à corriger. Il faudrait trouver un moyen de traiter toutes ce minuscules aspérités en pixels et d’en faire des vecteurs reproductibles je me dis. Saläs et Fuke, qui ne me comprennent pas, acquiescent. En figer le sens et la direction pour en réinscrire le mouvement, sorte de façon de tout coller, tout agréger et donc de recomposer des espaces et des corps nouveaux, combinaisons synthétiques et tactiles nécessaires et jusqu'à l'outrance, puis réintervention des sens, multiplication des plans de l’analyse, le magnétisme, les éléments déchaînés, les sciences physiques, et les langues orientales au secours d’une certaine forme de volonté de continuité, rapprochement des corps, et strates communicantes et subversives par mutations de l'un à l'autre. La pellicule photographique ne suffirait pas à retranscrire ces univers là. S’efforcer pourtant. Croire en la joie.

Bande son idéale: Friendly Fires - In the hospital

Contrainte formelle du réel et réciproque situationnelle amphibie



Orion défait sa natte et se lisse les plumes. Tout est vrai mais cela se passe dans mon esprit. Mon avatar me suit partout. Il ne parle jamais. Du coin de l’œil je feins de l’ignorer. Sorte de télépathie de l’instant immédiate et bipartite. Pour Orion, le réel n’est qu’une contrainte formelle. Lui sait que nous regardons en biais, comme orientés depuis le début du mauvais côté. Partout, toujours, il est pour nous le maître de toutes choses et de la conscience interne, et à nous deux il semble que nous sommes à la fois tout ce qui est et tout ce qui n’est pas, deux potentiels chargés de leur propre magnétisme, si parfaitement espacés que l’événement visible ne tarderait pas à en être fulguré. Disons que son apparition rend acceptable une certaine forme de disparition. Chaque chose est un couple d’évènements opposés aux probabilités égales. Rien n’est plus vraiment ce qu’il y paraît, il n’y a plus que ce qui pourrait devenir. Mais Orion n’aime pas les DJ. C’est juste que ces gens n’arrêtent pas de parler avec les phrases des autres me fait il sentir. Comment faire comprendre à ce corps astral issu de mon imagination la valeur pythagoricienne de la répétition de la même boucle simplifiée et hypnotique, respirant pour elle-même d’une certaine façon, comme sous support aux exécutions furieuses d’une basse électronique qui sonne comme le générique TV d’une série américaine des années 80 dans la recomposition du thème mélodique de La soupe aux choux ? Et comment le convaincre du génie, au sens de Musil, de l’enchaînement contre nature d’un break beat insidieux inspiré de la ballade de Pierre et le loup et du nu abyssal de l’électro dogmatique de RamonEye, décatie pour le meilleur, comme le jus du fruit dans le verre (certains diraient aussi que c’est de la musique faible, mais n’est-ce pas là sa force ?) ? Insolent, impertinent, muet comme une carpe, Orion me suit partout, et sa présence me donne l’audace nécessaire à la résolution de certaines situations, insouciance toute situationnelle des sentiments exercés dans la légèreté fractalisée de mon être dirons nous. Au Toro, Raymond le Dog tente d’expliquer à une serveuse qu’il confond avec Amira Casar le sens caché de la série Lost par la lecture de René Daumal. Sloane passe de conversation en conversation, elle porte une longue robe ample à fleur d’une autre saison, et des leggins en cuir noir, aussi des bottes à frange en daim Chantal Musseau. Chacune des deux Jennifer est, en y regardant bien, une tentative d’avatar inversé, déterminée en temps réel, adaptative, convaincue de ses propres atomes. Dans la rue Orion lève la tête et les bras vers les étoiles pour jouer avec son nom. Calmement, il respire les silences par la peau. Au PFC, Michel Michel demande un papier et un crayon pour dessiner sous nos yeux à quoi ressemblerait l’orifice du monde. Grégory Mikhaël nous a rejoint, il écrit un scénario de bande dessinée, un homme qui recommence à jouer avec sa propre personne dans la vraie vie après s’être acheté une console vidéo de marque japonaise, et qui va tomber amoureux d’une étrange femme masquée qui compose des poèmes en forme d’énigme quand la mélancolie granuleuse l’envahit, c’est à dire à la moindre évocation du vieux module Atari VCS 2600 (cette femme porte également en toute circonstance des patins à roulette). Au R, after vernissage de Blank me, No name et AliWood. On quitte pour l’anniversaire du webzine Nevermind à l’A. Aka Lulu est injoignable, mais si l’on compose le numéro de JohnnySunshine c’est lui qui répond. LittleJoe porte une nuque longue, et inaugure ce soir sa magnifique moustache. Fin de soirée subtile au Moonlight et la piscine est à nous. Où nous nous alanguissons sur des sofas de cuir rouge tannés par les injonctions répétées d’un désir envahissant. Où nous ne sommes plus vêtus que de simples pagnes en satin brodé, les pieds nus et les cheveux mouillés, à faire couler toute sorte de sirops pour la toux sur la peau. Où nous explorons les mille et uns petits détails de la mosaïque qui autorise les prises dans le gigantesque bain à remous, tandis que certains font des longueurs. Peut-être sommes nous tous rouges ou peut-être est-ce la lumière du plafonnier qui colore les téguments, réfléchie de corps en corps et toujours plus envahissante. Chacun digère la nuit à sa propre façon. En y réfléchissant je suis un peu embarrassé. Orion ne dit rien. Dehors il fixe le ciel. Un cadran du plafond étoilé lui apparait mal éclairé. De sa main il fait le geste de sortir une ampoule de sa poche imaginaire, puis de la visser sur un socle que nous ne voyons pas –simple mais intense. Sa lumière nous parviendra dans quelques millions d’années.


Bande son idéale: Deceptacon - Le Tigre (DFA remix)

Crème de menthe sur cuir rouge et pastis



Tentative de revivre l'instant, se souvenir. Mouvement pour une perspective temporelle sous une forme acceptable, ensemble des faits réels et imaginaires mis bout à bout pour en arriver là. Remonter jusqu'en haut de l'arborescence, déductions à rebours. Recomposer le passé, puis réinventer le présent. Une certaine forme de réalité qui se matérialise. Livré au rêve dans un espace exigu. Fil attaché au plafond d'un véhicule lancé à pleine vitesse mais immobile pour un volume d’attraction par tous les sommets. Les parties s’exercent à de nouveaux rapports, et persistance inquiétante au contact d'une nouvelle géométrie d'intention. En somme, tout va pour le mieux. En somme, un grand lustre au hasard. Oui, mais c'est un lustre objectif, et qui en impose à tous les chambranles de porte. La réalité est une onde qui se répond à elle même dit Eric de la Joya, nous sommes des vibrations chacun sur une certaine fréquence dans la théorie physique des supercordes. Au Dash, DJ Valhala et Roméo de Marseille réinventent le custom digital. Crème de menthe pour moi, pastis délicat pour Nataliana, je porte un jean noir slim Myaki, des bottines caramel vieillies et croûtées de cire chaude, une chemise à gros carreaux bleue négligemment ouverte sur un tee shirt orange My lips is Your lips, et des lunettes Infinit blanches (montures à rayures rouges/bleues selon la lumière), code sensuel et discret pour initiés - urbain et définitivement contemporain. Au Panic! Axel Brie de Maux et Was is Was animent la soirée RSPCT (Rebel Similitude Party Currency Tactile). Dans l'immense atelier en pierres apparentes reconverti pour l'occasion en labyrinthe mental, des pièces qui s'ouvrent sur d'autres pièces comme des roses mystiques. Des invités incognito derrière un masque de lucha libre. Strip tease à la demande d'une jeune mannequin paraguayenne. Deux mages sikh appuient sur tes yeux et t'imposent leurs visions. Dans la salle au fond, spectacle comique érotique et vain, sept minutes de danse rotative d'une femme à la peau talquée. Le long couloirs souterrain se transforme en corridor à explorer, sorte d'énigme psychique d'importance primordiale. Joachim(exakaLulu) a un sens de l'orientation tout particulier, on pousse plus loin et dans le noir, les évènements se précipitent, Nataliana est en robe fendue et ses petits talons cherchent appui dans la poussière du sol, certains prises sont assurées et d'autres échappent à tout contrôle, nous ne sommes pas seuls, des ombres nous observent, on ressort à l'autre bout de la rue par une porte en fer rouillée qui grince comme dans un film. Je me rends compte que j'ai du tomber trois ou quatre fois à la recherche d'un équilibre particulier, mes vêtements, mes cheveux sont recouverts de cendre, j'ai une plaie ouverte à la main et qui saigne: vintage et clinique à la fois, rouge sur blanc aussi d'un certain point de vue. Sloane est non négociable ce soir, pantalon de cuir moulant noir Herman H, le doux frottement de cette peau contre sa peau au son bien appuyé nous provoque à chacun des mouvements qu'elle exagère de façon délibérée. Raymond le Dog est à Cannes au Balroom pendant le Midem, backstage à boire de la vodka sirupeuse avec deux hollandaises du groupe Spankme pendant les DJ set de ElectroVaillant et Myjuicerecords, une bouffée de madeleine au téléphone, souvenirs, entrées que nous faisions par la cuisine du Martinez quand nous avions seize ans pendant le festival, les concours de pompes à même le sol pour impressionner une animatrice météo, les irruptions sans crier gare dans les chambres d'hôtel qui servaient pour l'occasion de salons de réception discrets et assez particuliers, les passages sur les plateaux TV, à boire au bar en coulisse des cocktails punch coco en compagnie d'actrices débutantes à l'accent chantant et à la naïveté éreintante en se faisant passer pour les agents d'un producteur italien. Little Joe lui appelle de South Brooklyn Central, le commissariat, où il a droit à un coup de fil et ce n'est pas très malin car il préfère me raconter sa vie plutôt que de prévenir son avocat - communication interrompue depuis l'espace. Au même moment, c'est la soirée évènement au PE pour le retour de Jean Louis C, propre sur lui du surcroît. Où l'on croise Sebastien T de retours de Majorque et aromatisé au Metropolitan, et aussi LolitaP en robe rouge quadrillée qui nous parle de ses amis formidables dans le Zurich underground (au Paradisio). Brodinsky, Valinsky, Courtevilsky et Alvin VonNada forment le collectif Presque-sky, une interprétation sonore et puissante à huit bras d'une nécessité sombre qui précède de peu la fin du monde logique. Au B, Metal Soap Orchestra et Tartine de Foie font irruption aux platines pour un mix spontané. Là, sur les canapés de cuir rouge, frottés ci et là jusqu'à en devenir râpés comme une peau blessée, ou bien debout au bar, immobile, une coupe mauve à la main aux effets iridescents, comme sur des remparts, nous voyons s'échouer en bas la fin de la vague de la nuit, qui vient lécher les orteils et exciter les sens. Nataliana dans le taxi arrêté devant chez elle dessine son nom secret sur les vitres embuées. Agrippées par l’émail, des perles de connections enfilées le long de ce qui est tout à relier jusqu’à la pendule du sens à rebours. Je ne cicatrise plus.
.
Bande son idéale: Yuksek - Tonight (Radio edit)

Façons du mystère de la rencontre



Je ne suis plus le même. Je ne l’ai jamais été. Je jouis aujourd’hui d’être un objet étranger à moi même. Le pied sur le lavabo, les jambes en équerre, cuisses tendues et douloureuses, je vois depuis ma position celui que j’appelle Orion, sorte d’avatar idéal, s’appliquer un gel dépilatoire sur les mollets, un bonnet de bain enfoncé jusqu’à la nuque, et un masque aux concombres sur le visage. On le comprend, une certaine forme de perception de la réalité dont jusque là je m’accommodais semble fuir vers un nouveau plan de consistance, trajectoire imprévisible mais déterminée, et dont l’inclinaison n’a plus rien de relatif. Ce que je veux, c’est tout ce qui peut survenir pour cet autre que moi et qui a pris ma place, cet être qui s’est extirpé de la nuit et auquel j’ai prêté mon âme mais dont la solitude ne m’appartient plus. Pour être clair, il s’agit de devenir une partie du tout, avec l’idée fixe partout toujours de la joie d'un serment pris sur le vif, et de la répétition de l’impression d’un jus de papilles sur la ligne de la désignation des éléments concomitants dans le creux de la main du destin (par opposition, par exemple, avec l’atmosphère d’une fin de couloirs d’hôpital). C’est ainsi qu’on se retrouve dans la limousine avec Gecko avec mon ostéopathe, qui se fait désormais payer en chaussures de marques, à rouler très lentement sur le périphérique, nous portons des lunettes noires même s’il fait nuit, costumes de marque Antonio V ou TM, petite veste Oscar C et pantalon ajusté Minestrone quant à moi, avec chaussures Rangers Raturo ouvertes, la languette étirée vers l’avant, on passe prendre Claudio, le fils d’un célèbre mannequin dépressif des années 60 et égérie de la scène NY underground, à Bourg la Reine. Soirée Toyz-are-us au Georges, Pantha du Prince mixe éclectique mais on aurait presque la nostalgie des soirées Dans ton cul du défunt P. Où l’on croise BBQ pour Métalorgie et Sigare pour le magazine B-rain. Dorothy C du collectif Slave-me porte un masque de lapin à poils touffus, et Eric de la Joya tente de la convaincre qu’il mérite d’être bu ce soir. La coupe est pleine et a hâte de déborder. A la soirée anniversaire du club S, Isocodine teste le son de ses instruments virtuels après un passage houleux au Twilo, et Kapuchone revient d’un futur qui ne marche pas, il n’y a pas de lendemain, la nuit est à vivre ici tout de suite. Le matin qui vient est une caldeira rebord du monde là où s’engouffrent les consciences accrues depuis la veille au soir. Mais pas tout de suite. FDO, l’ancienne gare : Random sex, Vibraphone, Les médicament du bonheur, Sushi la colle, pour la partie musicale. Puis Grandfuzz pour une sélection clinique et détachée d’électro séminale. Sloane nous retrouve chez Monica Mazet pour une fin de nuit en l’honneur de Mickey R : courte apparition, gueule de boxeur, veste blanche en coton GF, débardeur malgré la saison, cicatrice apparente sur le coin du menton et au sourcil droit. Scène acoustique inintelligible d’Emperor M, d’où atmosphère dissidente ; Sloane fait l’éducation d’un visiteur roux au visage masqué et dont je ne découvrirai que bien plus tard l’identité. Une femme en fuseau moulant rouge et prune explique à qui veut l’entendre qu’elle a cessé de prendre ses médicaments. Un danseur de tango italien entreprend une jeune fille du service des sports de Canalplus. Un hollandais en nœud papillon cherche autour de lui l’amour fou. La nuit déborde, elle étend ses bras. Sloane, si l’on veut être littéral, en est la traversée de bout en bout. Au détour du chemin, mystère de la rencontre, éternité dans le temporel, vers décollage immédiat. A chercher qui saura la mordre à l'angle de deux corps et absolument d'ici peu, à se donner la peau par la main. Grands vents attendus, des marées diluviennes qui s'étalent comme pâte à papier renversée sous les inflexions tentaculaires aux liens de la douleur exquise à l'écorce sûre à mâcher la résine du temps dans les renfoncements appuyés de tout ce qui transpire. Etre tel que je suis et à ce point, bien occupé tu vois. Tirer les ficelles du réel, te retrouver au sommet de tout : pas de problème.

Bande son idéale : Kavinsky – Testarossa Autodrive

Une apparition dificilement explicable



Personne dans la rue ne parle plus jamais tout seul : on parle à son téléphone, même si c’est un téléphone imaginaire. Autre: on peut parler à quelqu’un, rien ne prouve qu’on n’est pas seul (on ne décide pas toujours bien entendu). Cédric Attias del Curatolo a composé un spectacle vivant sur l’absence signifiante appelé Membrefantôme – un homme parcourt les rues de la ville la nuit en vélo en se racontant sa propre histoire pendant 2h28, il dessine sur les murs des organigrammes complexes, panneaux 4 par 8, cases décisionnelles pour chaque question avec son lot de connectivité et flèches interrelationnelles, tentatives d’explication du réel et d’extraction d’une substance autonome cristal de sens, on comprend qu’une femme l’a quitté, ou peut-être est-ce un homme, ou juste un fantasme aussi, peut-être ne sommes nous pas là d’ailleurs, et il compose pour finir d’étranges sculptures sous les ponts avec des fragments de verre brisé, une arche à relier deux points éloignés du temps dit-il - à voir dans la cour couverte du centre culturel finlandais. UnknIgno lui fait sa première, un évènement hard punk et poétique intitulé De l’un de l’âme, un tour de force de 6h14 en gravitation autour d’une femme polymorphe belle et laide à la fois et qui fait passer le corps par tous les états de la matière, et son amant perdu en rêve dans les ruines de Dresde finit par rencontrer en haut de la colline l’alchimiste inventeur de la couleur bleu profond qui sait prédire l’avenir – c’est tout simple en fait : ne pas imaginer la flèche du temps comme une direction probable, mais plutôt vivre dans un méta-temps où passé présent et futur sont concomitants et où les évènements sont tous liés de façon extrêmement intriqués. La Sybille est de passage avec Exode dit Osmose qui dispense gratuitement des cours d’économie à la terrasse des cafés. Mon ostéopathe porte mieux que quiconque les souliers blancs vernis de Meli Murano avec un petit jean slim gris taille basse négligent. Nataliana nous a rejoint, elle porte des boucles d’oreille totems de tribu huronne et rien ne semble mieux convenir ce soir. Sloane précipite les choses : l’étendue de tous les instants est agglutinée, on se retrouve chez un styliste italien à deux pas de là dans un appartement découpé en dix neufs boxs à thème – chiffres, couleurs…Je suis dans le pourpre. Soudain sans que l’on comprenne pourquoi Johnny Sunshinne aka Slim R aka Aka Lulu quitte la soirée furieux, l’alcool diraient certains mais c’est peut-être aussi dans son tempérament. La femme médecin aime le mot capacitatif. C’est la totalité probable en un point donné pour le défricheur de mots. C’est la masse des mécaniques qui sont accumulées dit Eric de la Joya. C’est le mouvement trop vite ou trop lent de tout ce qu’on ne verra pas bouger. C’est la dynamique de l’inerte surprend Raymond le Dog. C’est l’ordre de tirer mis en suspend, on attend, c’est le pouvoir d’y croire, c’est le rôdeur dans l’ombre, c’est le ventre qui gronde, c’est juste avant d’ouvrir les yeux, c’est la rencontre illusoire contre un chambranle de porte de conjonctions qui ignorent tout des fils de leurs apparitions, c’est la projection de deux golems de volonté propre l’un contre l’autre – Jean le biton gagne. Sloane a les cheveux électriques, véritables antennes sensitives à capter tout ce qui se passe autour et qu’on ne soupçonnerait pas. Elle et ses deux Jennifer commencent leurs ablutions pour un rituel complet de purification. Au P pour finir, DJ Marcel/Viande manie l’attente du dénouement et la promesse d’une récompense sévère mais juste dans un mix électro infatigable. Little Joe porte un tee shirt Suck my kiss acheté par correspondance sur la toile. Nataliana est une sirène aux formes changeantes, une créature en suspension dont les multiples jambes m’enserrent par la taille et m’enlacent dans une étreinte inqualifiable, ses ongles m’appuient brièvement sur la nuque et la douleur est exquise, et cette scène se répète en boucle dans mon souvenir comme si je l’avais déjà vécue avant même qu’elle ne se produise, avec la même précision et la même impression d’inquiétante étrangeté, et maintenant que je cherche à comprendre sa force énigmatique est multipliée encore par elle même. Jusqu’au souvenir même, boucle autonome et qui seul continuera d’exister. Par les mots ici,

structuration mentale d’une pensée

jusqu’alors inconnue.

Phrases/poutres+chapitres/étages/plateaux=> architecture réciproque et texte comme irruption dans ta vie. Métaforme circulaire et auto alimentée, vie autonome comme métastasée dans cerveau cible.

Bande son idéale: David Bowie - Heroes

Prétexte de pluralité singulière et or du tant avec écho



Le temps n’est plus un simple segment entre deux cigarettes pour qui cesse définitivement de fumer, il peut plutôt ressembler à un énorme rouleau de papier adhésif qui colle aux doigts et dont on a du mal à se débarrasser. Une molécule vous manque et le monde change de texture, de saveur, le choc est brutal, la réalité contre le encore plus vrai, on a de nouvelles manières, des antécédents, une ambition soudain. Occuper tout le temps, faire vibrer tout l’espace, rencontrer quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a entendu parler de quelqu’un, marcher sensuellement, aimer les animaux – aimer les chiens surtout, aimer tout ce que font les chiens. Aussi l’envie alors de donner son numéro de portable à n’importe qui, de se documenter sur tout en imaginant les jours où une puce électronique extrêmement miniaturisée introduite dans le cortex parafrontal et connectée au réseau sylvien permettra à tout moment de se brancher sur une matrice de supraconscience numérique et collective, et dont les données seront rentrées à la main par un informaticien groenlandais ivre; l’envie de descendre enfin le cours d’une rivière. Imaginer encore dans les détails une histoire entre un personnage appelé Le Cœur et une femme de mauvaise vie que nous appellerons La Comtesse : Le Cœur habite rue des Filles du Calvaire. La Comtesse a son appartement qui donne sur la rue de Turbigo, et la fenêtre de sa chambre est située juste à côté du sein droit de la sculpture majestueuse de la façade au numéro 57. Ils se sont croisés par hasard. Ils ne sont pas exclusifs. Ils se déplacent avec leurs multiplicités réciproques. Le pluralisme subjectif, façon de se rapprocher dans un instant comme dans tous les instants, tous dans ce que nous sommes mais aussi dans ce que nous croyons être, pour soi comme pour l’autre, est un humanisme. Façon de composer les singuliarités du réel avec les possibilités du rêve. Imaginer aussi la correspondance fictive érotique et légèrement nuancée entre une femme du monde, Elizabeth de Georges de Saint Val, adepte de jeux de positions et Stanislas de Saint Romain, un homme masqué initié et sans âge qui vient la visiter la nuit, les mains plongées dans des gants mapa, des poignes puissantes, et qui aime à recouvrir son corps de liquide vaisselle, fluide entre les fluides, car le gras n’attache pas. Plus tard vient enfin l’heure et nous étions là à commencer la soirée dans un coin réservé de l’ECC transformé pour l’occasion en galerie dédiée pour l’exposition Transgenix de Jamie Leopardo qui déambulait dans la salle vêtu le plus simplement du monde dans un manteau épais en plume d’autruche rouge de synthèse. La femme médecin est accompagnée d’un critique littéraire admirateur de Paul Valéry et sosie de Vincent Gallo. Sloane est d’humeur féroce, exagérément glamour, rouge à lèvre très vif et bavé sur lèvres onctueuses, les jambes très longues dans un short noir très court, un petit haut à bretelle noir à l’effet plongeant parfaitement efficace, et le monde est à ses pieds. L’une des deux Jennifer n’a pas le droit de parler ce soir. Elle a les yeux noirs cernés de charbon de bois, de fard et de poudre d’or. L’autre est pour la nuit la propriété exclusive d’un animateur de TV publique au nez abondamment repoudré. Un ancien joueur de football reconverti dans les marques de cuir est photographié avec un verre de vodka aux couleurs changeantes issue de la manipulation d’un maïs spécialement traité. La chanteuse du groupe Do me, voix nasillarde de petite chate hurlant la nuit sur les toits, se voit offrir une gorgée de saqué de contre façon importé de Chine selon un rituel complexe et sacré. Le tiers de Sorrento Siren s’entretien avec la moitié consciente de Jean Biton. On assiste à la lecture des quelques pages d’un livre écrit sans discontinuer en une seule nuit, buzz médiatique de la dernière rentrée, par le traducteur d’un auteur culte dont nul ne connait le visage. Le transgénique est l’œuvre de l’homme : il n’est pas fait pour durer. Toutes les œuvres sont brûlées dans un gigantesque four à pain, sculptures en cire d’abeille de laboratoire, peintures aux gouaches métachlorées, photographies dont la révélation se fait par l’imprégnation de composés aux structures atomiques instables sur le papier extrait de la feuille de palmier inventée par un savant malgache – éphémère effroi de génie transgénique que nous n’avons pour la plupart pas eu le temps d’observer depuis l’apéritif qui nous occupe à plein temps. C’est vrai, Jamie Leopardo a fait les choses en grand. Annie de Montagnac l’aimera ce soir, de nombreuses fois et de multiples façons. L’attachée de presse de Grégory Mikhaël est à la soirée de la revue Transitif, organisée dans un gymnase du XIIe reconverti en cabinet de curiosités. Les invités sont masqués. Pour celui qui apprécie ce qui se boit jusqu’à la lie, c’est goutte à goutte, un lac ici maintenant. Raymond le Dog est en tenue d’alchimiste au coin du feu et sur une peau de bête à poils longs tente d’expliquer à une étudiante en langues orientales sa propre technique d’extraction de la lumière. Elle traduit en retour « sois mon plaisir » en douze langues. La promesse de certains corps se répercute déjà comme un écho de mur en mur dans les cavités cylindriques de la boîte crânienne mais il faudra faire un choix. Parfois, on regrette juste de ne pas être plusieurs, prolongeant encore pour soi même l’expérience dans toutes les directions autonomes des réflexions de tous les miroirs possibles.


Bande son idéale : Suede - Animal Nitrate

Dieu et le doigt



Photons d’or, particules illuminées, air en suspension poussière, traversée de la lumière à travers le vitrail prisme du réel, nous en sommes là, bien peu de choses au regard du monde qui s’agite et s’accélère tout autour, parler tout seul dans un téléphone imaginaire, changer de place dans le métro avant que ça coupe mais le train avance et la Terre tourne, cela n’a pas la moindre importance, ou bien alors c’est primordial, parce que nous sommes ce qui est vivant et qu’il n’y a que nous pour raconter, des écailles de surface dans le thé de la veille, une lampe à frotter, et je cherche à comprendre, flux inversé, tentatives de descriptions d’un même évènement multipliées par elles même : limites de l’exercice du réveil. Comprendre un phénomène, établir son modèle reproductible, en tous points. Identifier le point d’inflexion par lequel se reflètent indéfiniment ces particularités communes de mécanisme et d’allure, en repérer les d’analogies, en établir les ressemblances en terme d’égalité. Étendre ces observations à l’étude d’un phénomène quelconque y compris humain. Mécanique neuve et reproductible de l’âme. Etablir/classer les ressemblances d’allure, les ressemblances des rôles en types de rôles, les affinités de mécanismes. Par exemple, l’avant-veille, Sloane qui n’aime que la légèreté se lie d’amitié au Pinup avec Anita, une néozélandaise extrêmement futile et drôle qui vit depuis deux ans à Paris sans parler le français, nounou libertine pour grands enfants bilingues le jour, hôtesse d’accompagnement pour établissements de couples la nuit - 50 E de l’heure pour ne consommer que ce qu’elle désire, et auto proclamée film director depuis qu’elle se met en scène dans une petite série très amusante sous forme de webisodes décalés sur deux danseurs contemporains persuadés de leur importance, utilisant chaque élément de la rue pour rechorégraphier le monde. Chacun fait ce qu’il peut, derrière le masque les rêves sont aussi complexes et aussi vrais que le monde matériel est tangible. Cette légèreté n’est pas pour nous déplaire, et en plus de nous divertir, elle nous renvoie à une angoisse importante : la peur de la mort, et c’est par là mieux encore apprendre à se connaître, c’est du moins ce que pense Grégory Mikhaël quand on l’interroge. Lui se voit plutôt en observateur et clinicien de nos nuits pour son prochain livre, à disséquer chaque épaisseur pour en arriver au muscle qui vibre sous le bistouri électrique en produisant une délicieuse odeur de fumet : la chair, le corps, la carcasse à désosser, jusqu’à toucher l’esprit du doigt. On suit Anita chez Martienne, néo/punk/postmoderne américaine fan de manga et qui vivait à London à Camden Town du temps où les coiffeurs espagnols rasaient la tête des clients à blanc assis sur des sièges de WC arrachés aux murs et déposés là dans la rue, on ne sait pas pourquoi elle nous parle de ça. Elle a décidé à sa manière d’entrer dans les ordres, et elle ne peint plus que des figures religieuses avec des visages d’oiseaux. Débat qui s’ensuit : coucher avec une religieuse, est-ce un exercice spirituel ? Raymond le Dog et la femme médecin nous retrouvent au B pour la soirée MissK. Backstage, la réalité par derrière, vodka/lemon et campari/orange sont un étrange mélange, arrivés au bord de la transe par l’hypnotisme répétitif de l’électro minimale et les basses cadencées qui désormais sont les seuls éléments du réel à passer le filtre. Dieu est parmi nous en train d’écraser sa cigarette par terre et de boire au goulot, il porte un tee shirt blanc Fire walk with me, le poignet est habillé de bracelets brésiliens multicolores, les pieds nus, de taille moyenne, les épaules maigre et le poil mal taillé, son jean taille basse se maintient par la grâce juste en dessous du pubis, il tourne sur lui-même les bras tendus une bouteille dans chaque main et par miracle il ne fait que nous frôler comme un vent tiède alcoolisé à 40 degrés. After show au C à Bourse, mon ostéopathe sirote un cocktail mauve avec Brian M, le chanteur d’un groupe luxembourgeois international. Michel Michel décide de vivre selon les principes kantiens. Dans un monde sans mensonge, et par là, dans la paix éternelle. Ceci n’est applicable à priori que si l’on épouse tous les mêmes principes, au nom de l’égalité des consciences. Mais à y creuser de plus près, quelle est la nécessité de dire toujours la vérité ? Imaginons un dialogue dans un monde parfait : -Vous êtes très belle. –C’est vrai ? – Non, mais vous avez les lèvres bien épaisses et une poitrine avantageuse, ce qui excite ma concentration de testostérone et me donne envie irrémédiablement de faire l’amour. Quel ennui. Ce serait un monde où on supplierait de mentir. Alors Dieu ou n’importe qui d’autre descendrait sur Terre et fait homme en rasta allemand touffu, il toucherait la vérité du doigt pour la changer en verbe, et il se mettrait à raconter des histoires qui seraient vraies ou bien qui ne le seraient pas pendant près de quatorze heures au Rex dans l’angle mort à côté du bar pendant que Laurent G repousserait pour nous les limites du réel à coups d’éléments sonores comme s’il n’y avait pas de lendemain, et nous sommes les particules suspendues au vide, agités dans l’éther, reliés au monde par les sens et la fréquence des vibrations, seuls tous ensembles. C’est à peu près comme ça que les choses se sont passées.


Bande son idéale : LCD soundsystem – Get Innocuous!

Précis de curiosités désirables avec oiseaux de proie


Pour ceux que ces quelques lignes exaspèrent quotidiennement sachez que Jean Henri me donne très régulièrement une bonne leçon et que ses bottines de Street Fight viennent frotter tout contre mon nez de façon bi hebdomadaire lors de nos rendez vous un peu spéciaux près de la gare Saint Lazare. Là, dans le cabinet de dentiste de son cousin dont les locaux sont immenses, dans la salle d’attente et tout près du piano à queue, nous nous efforçons pendant plus d’une heure dans un rituel réglé d’avance, et il me distille ça et là ses conseils entre deux pas chassés dans mon nez, lors de nos cours de boxe française. Jean Henri porte des chaînes en or autour du cou et des gants 10oz Nike, tenue noire de rigueur, et il se déplace avec son attachée de presse qui prend les rendez vous, bustier exagérément ouvert assise dans le canapé Starck ou sur le tabouret à roulette, à faire la toupie tandis que je savoure le goût des semelles – Jean Henri est un champion international de boxe masquée. La sœur de Jean Henri aime aussi s’entrainer contre moi, mais alors je pratique un corps à corps exagérément soutenu, et lorsque nos sueurs se touchent la tension atteint son comble et nous ne finissons plus qu’épuisés et roulés en boule sur le parquet, l’un contre l’autre, c’est assez tendre quand on y pense étant donné le contexte. Puis la douche et le soin de peau. Les courses de survie au Monoprix de Bastille, idéal pour les rencontres urbaines, à guetter dans les petits paniers rouges l’étalage d’une vie de célibataire, et à proposer des yeux un rendez vous le soir même en atmosphère confinée. Sloane et les deux Jennifer sont prises ce soir, soirée à thème : le tupperware. On amène ce qu’on a et à chaque pot son couvercle. Eric de La Joya explore toutes les formes de l’amour urbain par les réseaux virtuels, et son messenger propose en première intention une nuit d’amour toute en grâce et coordination, des plateaux de fruit qui allongent le temps et qui retiennent le regard, une nuit une seule, oui mais comme une vie. Michel Michel est à Berlin avec une américaine du Wisconsin qu’il a rencontré dans un bar à eau. Dehors il fait froid. Dedans il sent se lever l’une après l’autre des vagues d’hystérie qui s’échouent sur le bord du lit. Retours demain dans la matinée envisagé. Apéritif au Petit M après la séance photo de Madonna pour Vuiton. Marcel, le patron, se souvient d’une femme très courtoise aux jambes écartelées par les poses et portées par des chaussures à talon brillantes Monica Lampard, aux cheveux dorés, au maquillage impeccable et au français approximatif. Mais elle sentirait un peu l’ammoniac. Dîner avec mon ostéopathe et Le Gecko dans un restaurant sarde où le patron laisse les bons clients s’allumer un long cigare en salle. Mon téléphone sonne et je le considère avec crédulité : un numéro masqué, encore, et qui ne dit rien lorsque je décroche. Peut-être que c’est là le message. Peut-être qu’il faut juste en savoir ce que j’en pense. Ces temps ci, je développe d’étranges pouvoirs télépathiques et qui ne me servent à rien ; par exemple je peux prédire exactement qui a envie de pisser autour de moi et quand. Les ardeurs de la soirée sont immédiatement calmées par la température extérieure, malgré toute l’honnêteté de nos préparatifs minutieux et amoureux. Impression de basculer dans un monde parallèle au bruit de talons des baskets d’un passant devant moi. Quelque chose ne colle pas. Le caoutchouc ne peut pas résonner si fort ou si sec contre le pavé glacé. Le gros œuvre dans les détails. Un décalage étrange. Une distance se crée, une trouée dans la réalité. Je n’ai rien pour noter mes pensées, car l’exercice d’écrire permet de dérouler le fil de la pelote du temps jusqu’à une conclusion, fut-elle temporaire. Aussi je fais le choix de m’appeler au téléphone pour me laisser un message. J’attends de tomber sur le répondeur, une invitation un peu spéciale que j’ai composé une nuit en pinçant les cordes d’un Ukulélé dans la cuisine de la sœur de Colin F à Brooklyn. Au bout de la ligne, le téléphone sonne dans le vide. Alors boucle passerelle / axe perpendiculaire à la ligne de lecture des évènements. Je suis le numéro masqué dans le froid de la nuit. Sur le pont de Sully, un oiseau de proie qui n’existe pas dans la ville, sorte d’apparition ou bien aussi d’hallucination, les communications biochimiques inter synaptiques dans mon cerveau baignent c’est assez clair dans une eau glaciale qui brouille le message. Owl dans la nuit, et je suis si surpris et je l’aime tant alors que je le regarde s’envoler et disparaître un peu ahuri, puis quand il est loin je lui crie : reviens ici. Traversée de la Seine nécessaire on l’aura compris, à l’émergence d’une nouvelle forme de conscience indicible et supra cognitive. A l’hôtel GV, Little Joe tente de se faire passer pour la moitié de Daft Punk pour approcher David Bowie au bar. Soirée d’anniversaire de mon éditrice, mais l’ennui gagne. Malika, une brune allemande, frange et petit carré, des yeux noirs très profonds, des jambes immenses, nous invite à la suivre et on rejoint Guido de la friperie en bas. Dans l’immeuble au troisième étage d’une galerie d’art contemporain célèbre (Paris NYC Milan), c’est une soirée naturiste qui s’organise. Les filles posent dans la rue à moitié nues devant la vitrine du fleuriste. Dans les étages, on n’a pas le droit de faire du bruit. Sur le pallier on nous confirme : il faudra bien se déshabiller. Tout est possible je dis. De sous la porte et de l’intérieur coule à nos pieds un liquide brunâtre et épais. La porte s’ouvre. Guido vient de la part de S. C’est moi S on nous dit. Malika avance dans la pièce comme une reine. Je la suis. Soupirs. Les sens en éveil, dans le noir. J’entends : « bon courage ». On pousse une porte. Une étrange musique qui n’existe pas dans la tête, un fond de verre disco/jungle sirupeux. Malika récite Schopenhauer dans le noir, à voix basse, pour elle-même. « L’amant est près à abandonner tous les biens du monde pour dormir à côté de cette femme impuissante à lui donner plus de jouissance qu’une autre, dit-elle. La passion s’éteint par la jouissance. A la grande surprise des amants ». Il est cependant prévu d’échanger les corps. Biologiquement nous sommes tous uniques. C’est mieux ainsi.

Bande son idéale : Pizzicato five - Twiggy twiggy

Anticorps



Miles revient de la semaine de la mode à Delhi. De collection en collection, pas un podium ne lui aura échappé. On repassera pour l’Inde. Je l’accompagne à une vente privée dans un entrepôt rue de Valois. On y croise un chanteur des années 90 vêtu de cuir et dont le visage s'affiche chez tous les vendeurs de fallafel. DJ Splitz distille le meilleur de la musique d'ascenseur pour une clientèle huppée, qui aime cheminer dans les rayons déserts seule en tenant son Vuiton par l’anse à l’avant bras, un easy listening électronique, ironique et distancié qui donne envie de porter des chemises bûcheron avec des bottes à frange. Jupe en jean déchirée, collants en nylon vert pétant, lunettes noires et sweat à capuche, chaussée dans des bottes en caoutchouc ferme Terratorn, une marque finlandaise introuvable à Paris, Sloane saute du taxi pratiquement en marche. Elle cherche dans les rayons la parfaite petite tenue d'intérieur pour Jennifer et Jennifer: c'est une chemise à fleurs carnivores en coton longue et sans manche au col brodé, indémodable, parfaite oui mais c'est la dernière et elles sont deux. Intermède volontaire au Café N et concours de name dropping avec Alfredo. Arthur Martin, Cecil B 2000, Pierre Richard contre Laurent de la Hussët, François Hiérolymus de la Salle et Martial Martiano – on a le droit. Au Tr… deux Islandaises participent à une conversation dont elles ne comprennent visiblement pas les tenants ni les aboutissants. Fantasy Bruno, clone de Guy Debord, me présente Serena, celle qu’il appelle sa body body, clone d’Alyssa Milano. Soudain contre toute attente le désir tombe sur les corps c’en est fait. Rêve idéal, il n’y a plus que des vitesses, des lenteurs. Deux mystères se frôlent. J’ai déjà vu ce visage quelque part, dès la première fois. Par chance je porte mes sandales en latex sur de grosses chaussettes signées par Asia A, deux épaisseurs de chemise bleues pétrole aux rayures hypnotiques, un petit gilet en cachemire et le cuir épais de Sergent Christofer, des lunettes Marcel Plantier et je suis surtout accoudé au bar, ce qui me permet de rester debout plutôt que de m’étaler à son passage pour me rouler par terre dans les cellules mortes répandues de son corps échouées sur sol. Rapprochement des éléments liquides dans deux corps résolument différents, manœuvres d’approche, élongation du coude à force de me tenir la mâchoire. Je suis alors curieusement plusieurs au dedans, sorte de collectif mouvant dans un seul corps vivant, mais une seule idée fixe : je suis dans la peau de moi, mais je veux être aussi dans la peau d’elle. Elle fruit défendu qui rend les nuits blanches. Sad Songs, Florida, d’où je chante que je crie que je suis dans ses pas, Mysterious Viciousness, Alabama, car la chimie du corps est une torture à envisager. Elle est l’agent étrange du chaos, la constante immuable, l’axe de symétrie concret et imprédictible autour duquel tournent nos vies ; la pendule indique une heure qui n’avance pas, il se lève et au Chez M ils se vautrent dans des canapés retranscrits par les miroirs écrans, répétés dans leurs gestes un millier de fois c’est là l’instant exact présent, mais la dernière image = queue de la comète du temps. Little Joe est avec Black Francis et deux mannequins estoniennes chambre 19 de l’Hôtel A encore pour quelques heures si on veut passer. Pete D est de passage à Paris, et il se livre lors d’un concert improvisé dans le loft commun d’Alisson VDP et Madon de Bruxelles, deux créatrices de mode lancées dans l’édition d’un webzine underground en construction. J’avoue que j’ai quelque peu perdu le fil de la soirée dans les yeux et les fonds de verre de Serena, et je suis la bouteille brisée échouée sur les rivages de plages nues, là où disons des ondes en vagues révèlent la roche fine et friable en strates profondes, flots pour moi de la soif qu’elle est. Michel Michel décrète l’insurrection sexuelle et exige la libération des mœurs. Tous les regards dans le loft se tournent vers Sloane en femme vampire, noire, sensuelle et dangereuse. Au matin, Serena a mis fin à notre relation. Elle se rhabille. Elle a besoin de pureté me dit-elle, en me regardant bien en face, comme pour souligner que c'est bien évidemment là quelque chose que je ne pourrais jamais lui offrir, comme elle le savait maintenant. A quoi bon discuter, je suis rendu par les mains et les pieds liés, et la plaie délicieuse me déchire les flancs, un instant, puis on sonne. Me voilà de retours dans le coude des choses. Ecrire le jour, sortir la nuit. Il devait y avoir quelque chose dans mon verre, oui mais quoi ? Garçon! La même chose alors, encore.



Bande son idéale: Aphex Twin - Vordhosbn

Résolution électronique



Dans le métro de 6 heures du matin, sur les deux sièges qu’elle occupe de son seul séant, les cheveux gras et abîmés, le faciès vultueux et exalté, elle invective les passagers en se grattant les croûtes du genoux droit, puis elle se met à hurler « coucher avec l’homme à hauteur du corps par bonds électroniques à distance» ad lib – sublime. En haut de l’escalator, deux canettes de boisson énergétique coincées entre le mouvement de la marche mécanique qui se renouvelle sans cesse et l’immobilité du rebord métallique roulent sur elles mêmes, métal contre métal, atome contre atome, friction, deux volumes espacés avancent immobile séparés par une distance que l’on ne peut vraiment mesurer, parallèles. Ca va de mieux en mieux. Michel Michel en pantalon de velours mauve et lunettes de soleil vissées sur le crâne est fasciné par la précision des gestes des colleurs d’affiche – papier plaqué contre mur, dans le même mouvement recto-verso imbibé d’eau savonneuse, l’encre se révèle et la colle de l’autre côté. Deux univers se côtoient, se regardent mais ne se comprennent pas, tous deux de coordonnées exactement éloignées sur la courbe sinusoïdale de la force d’interaction sociale de Moore. Comment en sommes nous arrivés là ? C’est un concours de circonstance comme on les adore. L’avenir n’est pas une rallonge. On ne peut rien savoir à l’avance. Les heures passaient comme la peau se détache du serpent. Tentative de description d’évènements perpendiculaires entre eux. Nous soulevions l’idée de certaines adresses délicates à la peau. Sloane cambrait son corps, étirait les bras et inclinait le buste jusqu’à l’horizontal sans jamais déroger à une verticalité parfaite en suivant les conseils de son coach virtuel – Dominique - lors d’une séance de WiiFit, ses incroyables pieds parfaits bien à plat sur la planche électronique. Nous suivions tous les mouvements de son corps par le plexus de nos ventres et il se créait une atmosphère d’intention physique insoutenable. Jennifer prenait son bain, et Jennifer lui lavait les cheveux. La porte restait toujours ouverte. Slim R. aka Aka Lulu souhaitait désormais être appelé Johnnywood Sunshine - mais quelle était donc sa véritable identité à l’origine ? – et représenté ici sous les traits d’un chat, mais je ne m’y résoudrai pas. Ca s’accélère. Coucher de quartier de lune rousse sur les toits. Soirée Total Todo malgré rien. Little Joe prononce un discours vitupérant qui sonne comme une épitaphe au M. Jeff R prend les platines, mais est repoussé par Soulbasikorchestra. Battle fight. Chacun mix pour soi. Soirée No-No dans le VIIIe chez le fils d’un acteur français dont le nom commence par A, finit par L et dont les trois derniers chiffres de téléphone portable sont 891. Michel Michel veut goûter le kebbab de chez Fauchon. Tiens Raymond Le Dog était là, tout rembruni après 6 heures d’exposition à une lampe à UV achetée sur internet. La Sybille arrive tout droit de son pays : c’est là qu’elle dormira ce soir. On consulte l’Oracle. Joue avec les joueurs me dit-elle avec un sourire entendu. Dans la cuisine, c’est un revival des valeurs aristocratiques : caviar, saumon sur blinis et vodka frappée. Pas d’olive ce soir donc. Vingt trois invités surprise par le premier métro. L’essentiel de la soirée retiendra nos noms. On se quitte sur une chanson paillarde serbe déclamée par un Little Joe des grands soirs sur un ton très sûr de mage moghol. Puis apposition des mains : le feu est en nous. Les lèvres et le blanc de l’œil sont pourtant instantanément gelés dès que nous franchissons le porche, porte fermée, code oublié, interphone en panne, aucun recours ni rebours possible. Fuite éperdue toutes jambes vers l’avant matin calme brume aux poings avec dans la main droite le fond d’une Zubrowska translucide dans son écrin de verre et dans la main gauche Nataliana, une princesse slave de rang divin qui s’est décidée à nous suivre. Par-dessous la ville on chemine dans les réseaux tectoniques. Eric de La Joya est à Goa mais on a les clés. Le bois craque et gronde dans l’immense appartement comme on marche sur son dos d’animal géant. Partout sur le mur des photos de Roger Federer. Nataliana s’approche du piano, s’assoit sur le petit tabouret de velours à damier et penche son corps sur le bois comme sur celui d’un amant merveilleux, Rachmaninov, Les variations Corelli. Soudain alors au plafond, des nuages aux cinq couleurs dans le ciel. Des résolutions comme une évidence: souffler sur soi de puissantes vagues de don, se transformer en statues libres de tout problème, demeurer dans l’action spontanée. Lorsque l’équilibre se déplacera, c’est cet équilibre même qui fera débat.

Bande son idéale : Wu Tang – Fast Shadow

Jour blanc pour toutes sortes de raisons


Contraint par le vertige de l’arc imaginaire
Le subterfuge était dans l’art et la manière
De l’un face au multiple du dedans au dehors
La solution était d’emprunter d’autres corps

Dans cet autre univers les sphères constitutive
Etendent leur domaine de façon maladive
Et se mettent en rapport dans un espace donné
Avec les extensions de ces présupposés

Celles d’autres corps via un ciel qui s’ouvre en deux
Des nuages dans un sens puis dans l’autre sur eux
La décorporation était à essayer
Expérience objective qu’il faudrait partager

Dans cette perspective voici de nouveaux champs
Où courir dans ces plaines comme un lapin dément
Déconstitutioné de ses modes reflexes
En quelque sorte ici une courbe complexe

Voir d’ici toutes les directions étendues du possible
Des imaginations sans fins qui sont pourtant la cible
Des mondes qui ne sont là que parce qu’on y croit
Et dans cette étrangeté être ce lapin là

Dans la mer mouvante de ces dus éphémères
Il allait faire escale sans jamais toucher terre
Comme la rivière s’écoule aussi passe le temps
Et il est dans ce lit et l’après et l’avant

Comme l’eau retourne à l’eau le présent continue
A la surface des choses des vagues ingénues
Et dans la profondeur des forces d’alluvion
Des courants invisibles et des séparations

Mémoire de l’eau las la mélancolie l’aspire
Cet état qu’il craignait il ne peut que le fuir
Projeter son élan et ses sables mouvants
Chercher à consoler avec un contenant

Arrêter de penser enfin s’abandonner
A ces renoncements dont la raison s’est fait
Autant de lois amères qu’il faudrait respecter
Le rigide est la cause de toute sa liberté

Se fondre dans le décor consentir aux passions
Aimer tout de travers à sa propre façon
Corps flottant dans l’abîme de ses volontés propres
Il n’avait qu’une vie et s’en voulait une autre

De longues heures expertes alanguies de substances
Une pensée si profonde que c’est une évidence
Toute entière au liant qui s’abat et qui serre
Rendue à ce domaine aux mille puits offerts

Au liquide bien né le gras n’attache pas
Usez d’habileté dans des liens bien étroits
Cette douleur exquise qu’il nous faut endurer
Par la force des choses du désir à combler

Ce hasard est sans doute le seul fait important
L’expérience est vécue par toute sorte de gens
Mais il cherche à s’enfuir et trouver un papier
Pour écrire cette histoire mais ne le peut jamais

Il faut se réciter tout depuis le début
Pour ne rien oublier de ce qu’il a bien vu
Aussi l’on s’imagine l’effet de tous ces mots
Sur l’avis de celui dont brûlait le cerveau

Dans la séparation de l’espace et du temps
Le rêve provoqué et son évitement
Il oubliait enfin la pointe et le mystère
De cette épée glacée qui lui tranchait les nerfs



Bande son idéale: MGMT - Of moons, birds and monsters

Petite nécessité


Ce matin, ou passé midi déjà, interview pour le magazine Espagnol underground Maraca de Sorrento Siren en terrasse d’un Costes du VIIe. Tout se passe bien. On veut des nouvelles de Paris, on va en avoir, et du très frais. Tout à coup, vibration/déflagration dans la poche arrière : c’est mon mobile, un combi Dior glané à la soirée VID de fin d’année, noir et mat ; on m’appelle mais je déteste entendre la sonnerie. Rendez vous chez RLD en début de soirée à l’heure de l’apéritif. Ne pas oublier les olives. On s’y remet. A l’heure dite, à l’endroit prévu, alors que j’avais passé mes bottines beiges à semi talon pour l’occasion, chemise bordeaux à carreaux gras, petit débardeur effilé gris clair en dessous et par-dessus son gilet assorti, jean extra slim surpeint, quelle ne fût pas ma surprise : c’était un traquenard. Je mets quelques minutes à réaliser. Ulcéré Michel Michel se plaint d’une atteinte à la liberté. Je vois. On aura donc finalement lu bien attentivement tout ce que disait la grosse souris. Est-ce ma faute moi si son chemin de vie n’est pas exempt d’observations délictueuses ? Sans rire, je ne raconte pas tout, et je m’abstiens par exemple de parler des compléments stéroïdiens qu’il se fait immiscer en suppositoire quotidiennement par une masseuse asiatique pour rester cette année encore jeune. Raymond Le Dog s’exprime: je dois confondre, il ne se souvient pas avoir été une seule fois ces derniers jours dans un état aussi corrompu, comme un disque dur grillé dans le fond éventré d’un vieux PC. C’est bien là le problème, mais je peux facilement lui citer les situations que la décence m’interdit d’aborder ici, et rien qu’à considérer l’état de ses muqueuses les plus apparentes on se rendra compte que je n’ai pas tant exagéré. Sloane ne décroche pas une seule parole mais ses regards en disent long. Pas de langue de bois. Ce n’est pas son genre. Elle ne veut pas être mal jugée. Les deux Jennifer prennent des poses alanguies. Tues et coites. Mais de quoi parlons-nous? Certaines œuvres sont une voix qui montre la voie, et les auteurs sont branchés sur une énergie intuitive, sensation, prémonition, ce qui touche à l'essence même de l'âme mais qui échappe quand tu approches les doigts, comme sur un flux de pensée par intermittence, le curseur se déplace, dans le parasitage un message clair éclair apparait, et qui laisse sa trace en sillons. Prémonitions parfois, et toutes les lignes sont à lire comme la marque possible du destin. Changer le monde avec des mots. Le vrai contemporain sait d’ailleurs bien cela. Et mes amis, je le répète, toutes vos nuits sont nos nuits à tous. Passées, présentes, virtuelles ou futures. On entre dans le vif du sujet. Comme en quelque sorte un cœur amené sur plateau d’argent, palpitant, vibratile, un instrument à vent si on souffle dans ses tuyaux humides mais pas trop fort car c'est un système circulatoire et ce qui va revient, aussi bien fouiller des doigts au fond des cavités au préalable, mais ne pas confondre trabéculations et tapis sensitif, car les replis ont une fonction expansive, paradoxalement, et plus petits ils se composent et plus ils contiennent ce qui à la fin finit par faire deux ou trois stades en aire. On conclut que tout ceci est nécessaire à la mise en perspective du concept même de nuit. En clair, on va finir par rater le fameux et très prisé mix de Shinowsky au R. Dans le club, une brune très joliment faite, tee shirt Mickey nu exhibitionniste et de fausses oreilles de souris en serre tête, un petit minois très mammifère et un ridicule short vintage qui ne fait que souligner la plasticité parfaite de ses cuisses : elle cherche peut-être à attirer mon attention. Je m’approche mais Slim R. aka Aka Lulu me barre le chemin et me demande en me parlant si près que je prends d’un coup 0.2 g d’alcool par litre de sang de le décrire comme un personnage mystérieux, un homme loup de la ville, qui rôde dans les étages et qui gratte à la porte, à la recherche d’une proie docile à la peau souple. La souris a disparu. On retrouve une ancienne miss météo, qui en devait beaucoup à ses charmes et à ses capacités physiques adaptatives hors du commun, en faisant la queue devant les WC occupés. Porte fermée, on perd patience et SdS s’accroche à sa jupe. Dehors, elle retrousse son tissu sur ses deux jambes immenses entre deux voitures. Puis elle voit au loin un arbre. Elle a l’idée de s’approcher, mais elle s’arrête en chemin, saisie et glacée, car elle voyait alors ce que personne ne soupçonnait, et cet arbre en retours nous regardait. Une musique au loin, c’est l’homme aux arbres, et il joue du pipeau pour le règne végétal dans cette nuit glacée, et quand il nous voyait avancer, il s’interrompait. Là d’où il était, d’où nous allions, il revenait. Sloane a filé avec DJ Aïkido qui la cherchait dans la ville depuis trois soirs. On se retrouve avec deux Jennifer désireuses de contenter tout le monde. Ca tombe bien : ma plante en creux attendait qui viendrait l’arroser. Vue de l’esprit maligne et dure à résumer.


Bande son idéale: Mr Oizo - Positif

Pur/impur



Jour d'après le lendemain du soir où Little Joe a inhalé de l'aspartam. Retrouvailles au BC pour tous ceux dont les molécules ont changé. Sloane a pris froid sur le toit de l'hôtel M l'autre soir pour une célèbre marque de rasoirs dont ses jambes sont ambassadrices. Aka Lulu préfère désormais qu'on l'appelle Mad Professor, mais ce serait le confondre avec Slim R. à Williamsburg qui a décidé lui aussi de changer d'identité. On tranche: Aka Lulu sera désormais Slim R. Eric de La joya a passé le nouvel an sur le parking d'un Ed en banlieue nord de Paris, sorte d'expérience nihiliste décomplexée. Raymond le Dog ne trouve plus le sommeil depuis deux nuits, complètement électrisé et spastique, car dans les veines coulaient encore les excipients accumulés de boissons énergétiques absorbées et la strychnine qui fait serrer la gueule. On discute de l'ouverture prochaine de l'I. Bitchy José est de retour de San Diego et rien n'a changé mais on se fait prier pour l'admettre. Soirée K dans un célèbre club sur Pigalle. DJ Aïkdo puis PW aux platines. Set électro/debriefing. Open bar soft drink pour le foie. Retrouver la pureté. Eliminer les toxiques. Soirée Aztèque chez C, qui toute la nuit sera la déesse Chxchxtli, maîtresse des pendentifs et des colliers. Une nouvelle occasion de dénoncer l'immersion forcée dans l'hyper réel en créant un théâtre sacré dit-elle. Roman P torse nu et vêtu d'un simple pagne végétal s'entretient avec Françoise B. Smith and Smith déroulent un mix électro trash. Roman P se penche et susurre à l'oreille une phrase interminable en prenant des airs de serpent. L'idée semble faire son chemin par où B ne pensait pas. Nous voilà rendus à une nouvelle forme d'évidence. Tous voient plus clairs dans la nuit. Nous sommes dépourvus d'emballage, et l'orifice vide du monde menace devant l'absence de réceptacle, et le vide se nourrit du vide, simplicité incompréhensible. Vertige. La soirée se décompose en somme et parties. Il n'y a plus que des attitudes. Nous marchons sur des chemins de sable passé au tamis. J'essaie de retrouver une certaine forme de contenance. La coupe du temps s’est alors remplie de matière humaine et de scènes intentionnelles à boire avant dissolution poussière. Au milieu de la pièce j'étais en secret le chantre du langage inverse, et j'en usais pour faire disparaître les couleurs, les formes, le volume, l’Espace et le Temps jusqu’à la nudité figure d’homme, mouvement de descente vers le sol des pas frappés où nous irions. J’étais une séquence un jour par seconde de manière psychiatrique. J’étais aussi une pierre homme à plonger au cœur du puits des choses. J’étais l’homme aux chiffres et le présent qui passait entre nous je le cotais. J’étais la théorie du complot et le catastrophisme imminent dans des réseaux virtuels, et la résonance de la terre qui était de 7.8Hz depuis des milliers d’année se modifiait jusqu’à atteindre 12 Hz, et voilà pourquoi le temps s’accélérait. On m'attrapait par le bras pour me forcer à écouter des enchaînements de mots dont je ne percevais plus le sens ni l'ordre formel. Une certaine forme de chimie s'éveillait en moi, comme un retour de trip d'on ne sait plus quelle date, soudain et effrayant, me saisissait et figeait mon sourire en un rictus immotivé et catatonique. Métabolisation de la mémoire, proue de ce navire qui avance dans la nuit: nous. Sloane divertissait les convives en distribuant de petits papiers buvards sur lesquelles elle avait déposé un délicieux petit glaviot blanc, perlé et pur comme la nacre, et il convenait d'agiter son feuillet en la suivant dans un mouvement que l'on voulait gracieux. Plus tard, le reliquat séché sur le papier absorbant en aurait imprégné la structure et dessiné de nouvelles formes de densités allongées, auxquelles il faudrait donner un nom avant de se les coller sur le front comme dernier ornement. Il était temps de rentrer.




Bande son idéale: SebastiAn - Walkman


Traversée du moment opportun

Soirée Crème de cassis sur la péniche Black code entièrement décorée noire et pourpre pour l'occasion. Elton est là incognito. Des allées de bougies depuis le quai jusqu'aux salons intérieurs en marge du velours noir des tapis. Musique baroque majestueuse. Les valets ont les jambes nues et parfaitement épilées. Sloane ressent d'étranges vibrations lui remonter l'échine, allongée négligemment au cœur d'un sofa profond où elle se laisse glisser comme dans un gant de nuit. On devrait toujours être comme ça dit-elle: entre silex et flotter sur l'eau. Puis elle s'extrait du mol comme on sort d'un puits. Michel Michel est dans le triplex d'une ancienne animatrice TV dans le XIIe, où il côtoie l'essentiel du monde des médias. Au fur et à mesure qu'on gravit les étages, les invités semblent perdre toute inhibition. Il est question d'y faire un saut avant minuit, puis de se rendre chez C, poétesse et maitresse dominatrice, épouse de chanteur sexagénaire dont la disparition prochaine est affichée partout dans la ville, sorte de tournée d'adieu ou d'anticipation. La nouvelle année qui frappe à la porte sonne un peu comme une promesse violente. Son visage, sa voix, sont déjà gravés dans la mémoire collective, posthume de son état. C'est alors aux douze coups toucher un peu l'histoire du doigt, cet impalpable qui s'échappe encore mais qu'on attrapera par la queue tous ensemble en se pressant les lèvres, avec en souvenir précipité l'inévitable à venir. Mais rien ne se passe comme prévu. On sonne. On cherche des visages familiers ou célèbres parmi les convives. C'est la soirée Cul de poule, célèbre club entremetteur parisien, dans un immense appartement avec fontaine intérieure et salons privatifs. Dans la précipitation, de lieu en lieu, de place en place, on s'est trompés d'adresse. On reconnait un ancien humoriste à moustache et un homme d'affaire en fuite. Ces milieux sont confidentiels. Sloane livre une de ses Jennifer en pâture. Nous la suivons. Dans le long couloir étroit, derrière les rideaux de satin rose, on devine des arrangements voluptueux dont les frottements capiteux sont parfaitement perceptibles. Un vent tiède fait voleter le tissu, épousant par ses contours un mouvement silencieux lent et pendulaire: l'imagination qui se joue, et le culte est abondamment fourni. Des corps aux formes allongées et mêlées se multiplient et s'enlacent dans la lumière diffractée des lustres en cristal. Un exemplaire complet d'amour dense, qui donne à chacun l'envie de participer dans un style un peu particulier. Des femmes nues recouvertes de peinture dorée s'occupent du service et de la visite guidée, dans l'obscurité qui nait à mesure que l'on s'enfonce, à tâtons. De petits bouts de peaux partout sur le chemin. D'autres petits bouts de chemin partout sur la peau. Des molécules passent de l'un à l'autre. Il n'est plus question de partir. Le champagne est délicatement perlé. Une manière comme une autre d'enjamber l'année. Des amis perdus. De nouveaux amis aussi. Personne n'est sûr de ne pas imiter quelqu'un sans le savoir. C'est une soirée comme une autre.

Bande son idéale : Medeski Martin and Wood - Uninvisible