Rachis mental


Je n'y pense presque plus et toi? Ca a pris du temps mais je crois que je peux contenir mes sentiments ou plutôt le trop plein d'émotion à chaque fois que je te vois, ce qui fait déborder la coupe et bosser le pantalon comme on dit, c'est difficile tu sais d'être comme ça à fleur de peau, la libido c'est l'énergie vitale vers l'Eros ou Thanatos, en balance, en équilibre instable, moi elle surgit du ventre et me coupe la parole et me donne envie de monter par dessus toi et quand je touche ton épaule juste pour voir si tu frissonnes  de laisser couler mes doigts jusqu'à ton ventre et depuis le côté de profil de t'enlacer avec mon autre bras de façon un peu particulière, originale, disons tout simplement à ma façon, paume de la main ouverte à te soutenir les fesses par en bas et à les caresser lentement, le souffle coupé par la quantité d'énergie qui grimpe, le kundalini comme en Inde depuis la base du sacrum et que je retiens en contractant le diaphragme, la foule des pensées qui me viennent et se bousculent, tu me parles de Heidegger qui n'avait pas de corps et je pense à t'asseoir à genoux sur un grand lit sans drap, tu me dis que Anna Arendt à la fois dénonce et justifie sa philosophie par le seul fait d'avoir été sa maîtresse, son amie, son ennemie, sa protectrice et son amante, tu me parles de Jaspers, je pense à ton sexe, j'impose une image mentale, je communique par tous les moyens infraverbaux nos corps reliés en bas et connectés en haut, je te dis viens sans ouvrir la bouche, je souffle sur ta nuque, on change de position, je suis derrière toi, il pleut, c'est le temps idéal pour faire l'amour tout de suite, tu portes des médailles andalouses en guise de boucle d'oreille, je voudrais te tenir par les cheveux, je voudrais te déshabiller et te pencher en avant complètement comme ça, sans bouger, juste te regarder avant bien sûr tu l'auras compris, tu dis que Heidegger ne parle jamais du corps, de son corps ou d'un autre, et dans sa composition de la fonction d'être et du temps l'amour n'existe pas, il n'est jamais cité, ou bien c'est moi qui parle, j'articule lentement en m'imaginant tes seins biens durs et arrogants étalés sur toi renversée en arrière tandis que j'enserre tes bras au dessus de toi et que je suis entre tes cuisses, je mordille doucement le bout, je tourne la cuiller dans la tasse, le café refroidit, dehors il ne pleut plus, ça ne change rien au fond, Heidegger qui considérait la parole comme l'acte de la création de l'avoir-à-venir, celui qui justifiera ce qu'il est, celui qui aura-été-là, la parole comme mouvement, il se tait désormais, il ne dit plus rien, ne se justifie pas, ne s'excuse pas, ne bronche pas, il ne répond pas et c'est elle qui parle pour lui, elle qui l'explique, Anna Arendt lui donne sa forme, fait de lui, le maître de l'être et du temps, le sous-la-main du désir, là où elle l'use et est usée, là où elle est le contre exemple de la philosophie détachée qui s'oppose à la banalité du mal qui déjà s'opposait en lui, l'équilibre instable, la parfaite combinaison axe de symétrie du siècle écoulé comme un anus insoupçonné, le corps qui prend le dessus malgré tous les détours et les efforts pour s'en écarter, malgré les oublis, le corps qui plonge, le corps qui absout, le corps qui fait crier et qui résiste au temps, c'est la non dématérialisation par l'insoumission du corps je dis et tu me crois et je t'envoie toutes les ondes cérébrales d'apocalypses et de toutes les fins d'univers et de tous les recommencements dans le frisson de l'extase de ta robe renversée sur mon épaule, retours fracassant de la fin des temps à parts égales, processus à mettre en œuvre là où tu t'assois, et là où je parle, sur mon visage bien calée, par le matériau mis à disposition et la technique ondulatoire du cycle à venir comme but à atteindre, et qui excuse au sommet tout le temps pour en arriver là, le cerveau comme organe sexuel interne et un imposant fantasme télépathique à attacher à ton poignet pour la forme.

 

Bande son idéale: Hot Chip - Over and Over

 

La probable



En physique quantique on ne peut pas prédire avec certitude la position d’une particule. Cependant on admet que s’y compose la variable du temps, comme un métabolite structurel, et l’évènement à venir tout comme l’évènement tel qu’il était avant de se réaliser concourent en sens opposés et se projettent l’un vers l’autre sur la même ligne horizontale du point initial étiré par ses propriétés de temporalité, outil du temps, par la même particule, et l’angulation de leur rencontre au choc produit le volume positionnel à partir duquel peut être calculée la probabilité de l’emplacement de l’évènement, déterminé par toutes les conjonctions des affrontements particulaires qui ont été ou seront probables.

 

En somme il est impossible de prévoir la position d’une particule malgré toutes les variables maitrisées, le passé et le futur s’élancent l’un vers l’autre et produisent une solution originale, le résultat est imprédictible puisqu’il fait intervenir une donnée qui n’est pas maîtrisable par l’observateur, on peut juste en donner la probabilité. Une façon d’affiner le calcul serait d’admettre que la particule est dans un endroit délimité par des strates évènementielles qui se chevauchent dans l’infinitésimal. Tu vois où je veux en venir.

 

De sorte que rendre compte d’un être ou d’une histoire au plus près de la vérité, dans la présentation d’un monde qui s’appelle lui-même de ses vœux, dans sa chimère, dans ses suppositions, dans ses erreurs, dans ses approximations, un monde palpable, un monde de chair, de sang et de foutre, le plus précisément possible, le plus viscéralement possible, c’est regarder le personnage depuis l’extérieur et agencer ses couches existentielles au fur et à mesure, tourner autour, et ne jamais parler en fonction de, par interio. C’est être à l’extérieur, à se regarder soi même, et se considérer comme insoluble dans le temps, seule reste une prédiction sensible des évènements, à la lecture de la façon qu’ils ont de s’influencer.

 

D’où là où je suis et tu ne me connais pas. Celui là que je suis change à chaque saut d’instant maintenant et encore un maintenant, le même dans sa substance, et c’est à chaque fois moi-même, c’est une question de distance je suppose, si tu veux faire de moi ton objet il faudra que tu reconnaisses en moi les propriétés, formes et structure, et que tu t’assures de moi et de ce que je suis par les sens. D’une façon ou d’une autre il va falloir y venir.

 

Comme être là n’est pas plus qu’une probabilité il va falloir provoquer des chevauchements, d’où l’originalité de la démarche radicale que j’ai choisi pour arriver à te connaître : pour le dire encore plus clairement on arrive à une parfaite concordance entre ce que tu es et ce que je crois que tu es quand j’occupe tout un espace de toi par empilements et plateaux propositionnels, quand je multiplie les prises, quand je dilacère les protections par des visions tranchantes, les agencements positionnels en angles aigus, les mots crachés au bassin, chacun des sens invalidé car saturé, oui tu vois ça c’est un corps, et le tien, sans présumer de ce que tu es, je vais le remplir, c’est là qu’il faut en arriver et s’il faut y retourner je recommencerai.

 

Je fais comme si je ne te connais pas. Tu restes inaccessible. Echappe moi, évite moi, le phénomène montre la structure telle qu’elle est, tu ne veux pas me voir, je veux dire tu ne peux pas vouloir me voir vraiment, évite la lumière, ne devient pas visible, deviens l’étrangère échappée, reste à ravir.

 

Disons que dans un référentiel donné je cherche où tu es, ou plutôt ce qui se compose là et dont les propriétés se rapprochent le plus de toi. Tu es une possibilité.


Bande son idéale: Eagles of Death Metal - Wanna be in L.A.

La marge anale / trouée métaphysique




Tu es où ? Avec qui ? J’arrive (salope/ma vérité). Dans cette privation de toi, c’est là que je suis sensible au fait que tu n’es pas là, c'est-à-dire que tu es véritablement quelque part, et alors que tu existes en fait. Je est un problème, et qui prend sa source dès que je m’adresse à toi, par là même que toi tu es, ce qui se discute encore, il faut faire un effort de conceptualisation pour consentir à toi, c'est-à-dire à tout autre que moi.

Ce je qui est moi et que je ne connais pas est celui qui se réalise absolument dans ce qu’il doit être par lui. Je est le souci qui se projette par devant, il n’a pas de présent, il n’a pas de substance si ce n’est sa propre réalisation. Je-réalisé vient du futur, il est celui que je tends à être, dans l’acte c’est la somme de mes étants qui se projette, mais ce je vers quoi il tend le regarde et lui donne sa fonction d’être, de façon à la fois visionnaire et rétrospective, et se répète par l’intentionnalité rétroactive. Je est, mais son présent n’est pas.  Je sera la répétition de l’était vers l’être-à, dans les deux sens.

Pour autant je est celui qui choisit d’exister en fonction de toi – puisque tu es tous les visages de l’Autre je n’ai pas le choix en fait, ça ne se discute pas, viens par là. Dans le monde présupposé comprendre que ton je et le mien ne se rencontrent pas, ils se frôlent, seuls leurs présupposés sont accessibles.

La parole est l’existence concrète de ce je qui se réalise par devant toi. C’est un corps sans organe, ce qui est loin de convenir à ce qui nous concerne ci devant. Je est alors impeccable et pur, et pure est toi c’est là l’entité la plus absolument détachée de toi que j’embrasse, là où je m’échappe, là où ma substance est soluble, dans la pensée qui se mord la queue et se refuse, et c’est là que mon je est à réaliser : attoucher à ce quant à toi tu. Pour ce faire, c’est dénier sa pureté, celle de toi, pour cerner, épuiser et percer bien au fond ce qui te compose en dernier lieu, extraire ta substance au néant et punaiser  la forme qu’elle est sur le mur à voir, en abîmer la pureté par le seul fait d’être ici, devant toi, devant elle mais par elle (pour l’être ontologique il faut porter atteinte). Je est une pathologie mentale et cette maladie qui s’étend, qui avance, j’en ressens les symptômes, c’est s’extraire du monde, et cet immonde, c’est toi.

En somme je, celui là, est, à l’hypogée du pubis et un peu en dedans de la ligne pectinée, à la périphérie concrète et plissée de ta marge anale, la réponse exacte qu’il convient de fournir à ton toi quand tu veux que je te (ci devant quand je est derrière tu).

Je te pénètre. Je prends connaissance de ce que tu es, et plus encore de ce que je est infiniment par toi (dans la répétition de ce vers quoi je tend). Et la façon que j’ai de baiser toi, c'est-à-dire de circonscrire mon existence par la tienne, quand ce que mon être n’a plus d’autre considération que ce que tu es en vrai (le terme est impropre je devrais dire au fond) est là ce que je suis/est - je ne le peux que par toi dans l’étant moi, c'est-à-dire que tu fais de moi enfin ce je qui est. Comme Heidegger est dans Hannah Arendt quand elle lui murmure fais de moi ce que tu veux, j’imagine la surprise et la puissance de déduction qui s’en suit, c’est en effet sois ton propre toi par moi, comme deviens ce que tu es dans mon cul. L’enculait-il ? Sauf respect, dans la terminologie la plus pure, c'est-à-dire la plus déréalisée et aux limites du langage, par la phénoménologie la plus extrême, Heidegger attendait-il de l’anus de sa maîtresse un signe quelconque ? Il convient d’éplucher tous les phénomènes. Jusqu’à l’essence pure de l’être extrait de ce je du monde, je est le toi de moi mais je est le moi de toi. Tu est qui je.


Bande son idéale: Jeremy Jay - Slow dance