Je pense à notre première rencontre rétrospectivement ça aide, c’est curieux parce qu’elle est juste en train de se dérouler, donc de façon orphéique, ceci dit de façon sodomique aussi, Loth y a droit si l’on y croît, sinon c’est un poème, donc une métaphore, c’est une distance, comme on regarde en arrière, comme saisi par avance par une mélancolie que l’on ne peut expliquer, comme à reconnaître quelque chose au fond de tes yeux qui m’aura bien occupé quand on en reparlera. C’est s’imaginer raconter une histoire plus tard sur ce qui est en train de se passer. C’est insoutenable, la terre vibre, il n’y a plus rien à quoi se raccrocher, je viens de perdre mon lien au temps, mais où est-il donc passé, m’a brûlé la main en sortant, coupure franche, prendre connaissance de sa douleur, la concentrer, lui parler, l’extraire. Aussi mentalement j’essaie de t’imposer l’idée de m’aimer physiquement là maintenant. J’use de toute mon influence. Ma voix dans ton crâne mais tu crois que c’est toi, penses-y. C’est un peu abrupte comme approche mais c’est la seule solution tu comprends. J’ai tout de suite remarqué tes petits défauts, je les ai stockés dans ma mémoire histoire de pouvoir me les rappeler si jamais je ne devais plus jamais te revoir, c’est pour mieux t’oublier, ou si tu devais me faire souffrir, c’est paradoxal bien sûr, se souvenir de ça pour se détacher de toi mais tu proposes quoi ? C’est très impressionnant de te voir surgir comme ça au bout du chemin, je suis à la fois grossier, distant, susceptible, sarcastique et irritable, autant dire que j’ai mis toutes les chances de mon côté pour que tu ne puisses pas ni me blesser ni m’atteindre, il te reste encore un espoir de m’aimer pour mes pires défauts, ce serait là m’aimer vraiment mais tu n’as pas encore tout vu, attention prépare toi. Vaisseau spatial c’est toi. Désintégration. Tu penses à bien m’éviter et tu n’as pas tort, les relations humaines c’est pas mon fort, timide peut-être, ou sensitif, assailli par le flot des émotions qui se correspondent, c’est que je peux voir à l’œil les phéromones qui se percutent, ça occupe, et c’est là que tout se joue, je veux bien te dire les mots, écoute moi.
Il y a des choses dont la prononciation est encore plus belle que ce qu’elles sont vraiment, et ces mots qui sont censé les désigner leur donne toute la grâce et tout le mystère, tout le charme et tout la magie voulue, ces mots sont enchanteurs, comme par exemple montre gousset, ou une gravure de gentianes effilées fixée au mur sous des boulons épais de cuivre vieilli, rien ne peut se comparer à ces mots, le fer, le meuble, les coordonnées qui sont décrits ne sont rien, ne servent qu’à justifier leur ornement, ces mots sont des parfums plus vrais que le goût, disons que j’ai l’impression de te lire quand je te vois, et de te comprendre avec tout ce que je suis auparavant, car tu es une combinaison inévitable et le sens que tu prends est avant tout celui que tu n’aurais pas si tout avait été différent, je veux dire si tu n’avais pas été toi, je recule encore le plaisir de te savoir en tournant les pages par l’éclat de ce que tu n’es pas. Mais au contraire ça ne marche pas non plus avec toi pour cette raison là : il n’y aucune signification à toi, on ne te désigne pas, tu es là et c’est un fait, mais l’expliquer tient lieu de transgression. D’où la nécessité d’un équivalent physique de la rencontre, me suis-je bien fait comprendre ?
Dans une chanson de Bowie, on peut entendre toutes les chansons, chacun de ses arrangements est un univers livré à lui-même, aux mouvements autonomes, aux atomes propres, et il s’influence dans son expansion, dans ses variations de bête, dans l’espace physique, dans l’espace entre tes oreilles, dans tes cellules, et qui n’a pas de fin. Chaque note contient toutes les notes. Lady grinning soul, cette chanson que tu es toi quand dans toi les mots sont tout et que ce qui est autour est leur mélodie rêvée.
Bande son idéale: David Bowie - Lady grinning soul