Noël idéal




Noël féérique dans les bois de Meudon, au centre du cercle sous les pins, truffes et champagne et patates douces pour l'occasion, tous en longues robes noires, musique classique et courtoisie de mise, dans l'ancien pentagramme tracé par des apprentis sorciers, ça peut sonner étrangement mais on apprend beaucoup sur soi dans ces occasions décalées.
Le lendemain, tous à la Défense pour exiger nos cadeaux sous forme de bons au porteur, bien sûr il n'y a personne mais on ne nous laisse pas rentrer pour autant quand il s'agit d'occuper l'espace vide derrière les vitres transparentes comme des comptes banquaires genévois. Course poursuite dans les allées bétonnées, finalement tout s'arrange : Alex et Felix les deux vigiles sont fans du film Human Nature, et je suis le cousin de Michaël Gondry ce jour là.
Nous sommes une poignée à croire au renversement des valeurs ce jour précis, et quand la nuit tombe (17heures) on se dit que c'est déjà un coup de pied dans la fourmilière, que tout compte absolument, qu'à l'indice boursier une valeur peut atteindre 1000 fois son cours en moins de huit mois, et qu'on n'a rien à manger dans le frigo.
Fin de soirée chez Vlad, DJ Placenta la nuit, qui parle mal français et qui joue toute la journée à GTA IV ce qui forme son accent serbe si particulier à l'anglais de la rue, et cet autre univers virtuel dans l'écran plat coins carrés ressemble tellement au notre que je me demande si les vrais sociologues de ce temps ne sont pas les concepteurs de jeu pour Xbox ou autres, mêmes lenteurs, mêmes attitudes, mêmes conformismes, mêmes exaspérations chez les copies d'humains si bien étudiés et même furie la nuit. A quoi pensent ils tous ces humains dupliqués dans le virtuel? A la même chose que nous. Alors la fiction devient la réalité et vous êtes tous concernés par ce qui s'écrit ici.
Bon on n'a peut-être rien à manger mais on a des amis. Je rentre tard, à pied, tous les bars sont fermés, je me couche sans plus y penser, mais je me réveille à 4AM en sursaut en pensant à la petite australienne que j'avais croisée l'avant veille avec ses yeux d'espagnole et son sourire à la Meg Ryan, et il me vient l'envie de quelques virtualités qui dissiperaient mon embarras. Au lieu de ça j'opte pour le concret et la puissance du réel, composant son numéro de mobile dans le noir, et j'attends qu'elle réponde. Je l'inviterais à Serre Chevalier pour le nouvel an sous la neige. Là, dans le jaccuzzi du chalet d'un créateur de lunettes en écaille de ma connaissance, je verserais le champagne sur ses seins et je le boirais à la peau. L'autre soir, notre premier soir, elle n'a même pas voulu que je lui lèche la main. Ce soir elle me répond qu'elle est déjà repartie à London. Tant pis, je me rabats sur une amie toujours disponible, et qui n'habite pas loin. Le matin, petit déjeuner au lit. Puis elle a la délicatesse d'aller travailler très tôt. Je finis par inviter une de ses voisines que je croise dans l'escalier à une soirée que je n'avais pas prévu d'organiser.
Etrange latence de fin d'année. Tout semble possible mais en suspend. 2009 à l'horizon. Arride. Cruelle. Désespérée. Sexy.
Le bitume. L'espace. La toundra à perte de vue, et le vent sifflotant dans les cheveux. Avaler le temps. Caresses sur peau tendue. Le cuir crisse. La morsure qui avive. Comme piqure de rappel du réel.
Ce soir, Sloane fera sa tournée d'adieu pour 2008. Celà durera trois jours et trois nuits.

Bande son idéale: Yuksek- Deladeu2