La différence inévitable



Il y a une voix dans ma tête qui me parle, je suppose que c’est moi, aussi le bruit insupportable des travaux d’à côté l’empêche et ce qui reste pour finir c’est un vrombissement lent et inévitable, marteaux piqueurs et perceuse contre le béton armé, si on me cherche je serai au café en bas. 

A deux rues de là, un autre bâtiment à déconstruire, derrière les échafaudage, en bas au soleil c’est comme à la plage, la rue est presque piétonne, ou au cimetière, avec des marchands de fleur et la vieille pierre, à côté de moi un dessinateur affairé sur son cahier comble les cases avec des dialogues à l’écriture serrée, spastique, un seul personnage jusque là en train de hurler en se tenant les oreilles et le bruit vient de tous les coins, c’est très ressemblant, tout ça n’existe peut-être pas je me dis, je veux dire si tu es une apparition, ou un quelconque produit de ce qui se passe dans ma tête, viens, c’est maintenant. 

J’ai lu quelque part que les incas n’avaient pas de mot pour dire ce qui est abstrait, ils faisaient des nœuds complexes qu’ils suspendaient aux arbres et ils restaient là à les regarder jusqu’à ce qu’ils leur rentrent dans la tête. Sur la place, la caryatide aux trois vierges comme tu dis, me rappelle de la même façon ce que tu es et aussi ma soif de ce qu’il y a au milieu de toi. 

C’est juste que penser à toi, c’est beau, mais ça ne peut pas suffire. Il y a forcément une différence entre toi et celle que je crois voir en toi. Cette différence est inévitable. Je peux te regarder encore jusqu’à ce que tu me rentres dans le crâne mais tu as une vie à toi, et puis rester là à imaginer tout ce que tu pourrais être  je préfère pourtant te toucher, que tu comprennes ou pas vraiment c’est comme ça. 

Tu sais, c’est comme prendre des notes d’une écriture serrée, je ne suis pas sûr de bien me relire, c’est souvent indéchiffrable et ça augmente le risque de confusion. Regarde : j’invente un nouveau langage pour toute ta liberté. Phraséologie complexe et codée en mots courts imprononçables, des foules de paroles fracassés sans verbe ni complément pour exprimer une pensée mais aussi toutes les interprétations possibles de cette pensée avec d’infinies variations d’intonation dans la voix, dans l’expression du visage, et dans les mains. Tout est contenu- je ne dis rien. 

J’apprends à te connaître. Le message caché de l’œuvre, et c’est un peu le mystère de la rencontre. Nous contemplons des abîmes honnêtes (nous n’aurons pas de réponse, nous le savons). Exemple : je veux prendre mon plaisir au fond de ta gorge et aussi dans tes fesses : dilemme. Parfois on aimerait être plusieurs : une seule volonté propre (pour qu’on s’y retrouve), des extensions de capacité, des corps à disposition en rapport dans un espace donné.

 

Bande son idéale: Telepathe - Devil's trident

La substitution des faits


Voilà c'est nouveau, ça devait arriver je ne dors plus. Je me lève après une bonne suée, je regarde par la fenêtre la nuit en plein cœur, sans allumer la lumière j'écoute les bruits de la rue jusqu'au petit matin.

2h12. Dans le calme et le silence de ces heures ignorées, une piqure de réalité dans le rêve: les voitures pressées du bout de la nuit vers quelque part  –  tout est possible -  les promeneuses solitaires, aux talons plaqués au sol, les ivresses verbeuses d’autres attardés qui jouent librement comme leur propre jazz polymorphe par leurs intonations subites sur un rythme de fond sirupeux de voix traînante. 

3h34. Dans le semi sommeil qui se refuse, la perception des choses semble désaxée. Des pensées en flash, des images distordues, des plans de ville, des corps étirés aux mâchoires ouvertes se succèdent et viennent s’interposer. La perception de la réalité, c’est la perception de sa propre vérité. Voilà où j’en suis. Je m’allume une cigarette. J’ouvre la fenêtre. La lumière des lampadaires diffuse et orangée, puis en s'habituant plutôt jaune et vieillie, donne une impression de papier brûlé.

4h52. La rue n'est pas immobile. Plusieurs plans se superposent. Tout est confondu, la veille et la nuit, le rêve et le bêton, le vent et la pierre. C'est comme une mélodie que je connais mais légèrement différente je me dis,  je tends l'oreille mais ça ne ressemble pas à mon souvenir. C'est comme un état second, dans la pièce les visages sont familiers mais on ne se connait pas. C'est plus grave que de ne pas savoir où l’on est je me dis. Je me tourne vers toi.

5h27. Tu dors dans le lit, un sommeil magnifique, immobile et profond, comme un soleil au repos. Tu es ma constante physique je me dis. Quand tout me semble déplacé, faux et obscène, tu es la seule chose qui m'apaise et qui me rattache à la réalité. On devrait toujours t'avoir sous la main je me dis. Mais je veux te donner toute la liberté, pour toi. Je veux te regarder sans y penser. C’est plus compliqué que ça tu sais. Le fait que tu existes aussi m’invente des souvenirs à rebours, comme un mécanisme d’un rêve : tout ce que nous aurions pu en quelque sorte. Ce que tu es hors de moi m'annule car je n'en suis pas la cause - émotions d'insecte précipitées à toute vitesse contre une paroi de verre. Quand tout cela va t’il finir? Tu vas me répondre ?Ouvre ta bouche, fais en sortir des mots. Tu serres les mâchoires et tu fais grincer tes dents. Tu abîmes ton émail je me dis, mais tu ne t'en rends pas compte.

5h56. Ton cul est la seule force crédible à cette heure ci, ou disons la seule chose que je veux bien admettre. Mes yeux se sont habitués au noir. Ta culotte en coton te rentre entre les fesses. Tu as pris toute la place dans le lit, c’est tout naturel je me dis, tu dors la tête posée sur mon oreiller. Les jeux de lumière depuis le dehors dessinent des ombres sur le mur au dessus de toi et tu dors à l’abri sous une forme qui ressemble à un sycomore. Tu attrapes en rêve entre tes bras quelque chose qui n’est pas là, mais toi tu le vois. Tu es où ? Tu es avec qui ? J’arrive tout de suite. J’entends du bruit. Tu n’es pas seule ? Fais-moi une place. Si je me concentre assez tu devrais finir par sentir mes yeux posés sur tes seins comme le bord de la lame d'un couteau double face.

6h24. Je prépare du thé. Les feuilles infusées soupirent lascivement comme une femme dans l’incubateur en se déplissant. Je me concentre pour ne pas me branler tout contre ton  visage, malgré toute la tendresse que je te porte je suis capable d'en arriver là pour manifester ma présence. Tu sembles ignorer l'espace dans lequel je vis toute entière à trembler et à rêver, c'est beau, c'est insupportable, je découvre tes cuisses, je passe la main au dessus de toi, juste au dessus à moins d'un centimètre, je veux t'effleurer sur toute la surface du corps, comme un élan avant de plonger en toi pour te rejoindre.



Bande son idéale: Dajsad - I was made for loving you.

L'inconstante volumétrique


Tu ne donnes que peu de prise, les évènements glissent sur ta peau et n'osent pas te toucher, tu tolères mes interruptions quand je te coupe la parole, tu es volontairement éparpillée, tu penses à beaucoup de choses en même temps sans vouloir mener rien à terme, tu n'as pas de noyau central, tu n'as pas de poids, tu n'as pas de masse plutôt car la gravité s'applique à tout et même à toi, une force indéniable et plus rapide que la lumière, et qui lie tous les évènements d'un bout à l'autre de l'univers de façon immédiate et sans recours possible, si je ne te connaissais pas tant je dirais volontiers que tu es vaporeuse, ou plus encore, irréelle, c’est simple en fait tes parties sont détachées, elles fonctionnent toutes pour leur compte, tu as trouvé là un système original et ça marche, mais si c’est applicable pour toi, ce n’est pas forcément reproductible, comme il y a plusieurs façon d’aimer il n’y a pas qu’une seule façon d’exister, tu nies avoir une personnalité, c'est très étrange, tu prends des décisions sans réfléchir et tu ne te trompes que de peu, toujours mais presque, tu es adaptative, tu es une fonction de survie permanente, tu te définis par tes actes et non par ce que tu crois en penser, qui vivra verra tu dis et tu laisses aux autres, donc à moi le soin d'observer, de peser, d'évaluer, de discourir sans fin sans but et sans solution sur ce que tu es, toi tu t'en moques, tu es une idée que je me fais, tout change avec toi à chacun de tes gestes, quand tu fumes tes Camel en levant le bras pour laisser s'échapper la fumée et ne pas gêner les voisins, ce qui m'intéresse alors c'est la grâce de l'élongation dont tu disposes, c'est l'espace que tu redéfinis, c'est la spécificité de ce mouvement là qui n'appartient qu'à toi, ça c’est toi, et en même temps ce n’est pas suffisant mais c’est la définition la plus exacte de toi que je peux apporter, tu continues de me parler le bras au dessus de la tête et c'est tout naturel, ta main retournée la paume ouverte vers le ciel pour l'équilibre mais aussi pour la beauté du geste, c'est la conscience d'une certaine forme de beauté qui ne se nie pas, disons que tu sais des choses qui passent par toi sans y réfléchir et que je vois mais sans avoir plus le courage ni l'envie nécessaire pour les interpréter, je fais comme toi je m'en moque. On ne va pas se quitter de la journée, je réalise que t'attraper par la main par la taille ou par le col c'est différent, tu as une fleur artificielle dans les cheveux, tu fais ton nœud sur le côté, j'ai des filaments de ton écharpe entre les dents et sur les lèvres, j'essaie de voir ce que tu vois pour te vivre de l'intérieur ou pour me vivre moi depuis toi. Tu portes des mi bas sous ton pantalon court, dans tes baskets noires à rayures, ou un tutu blanc de danseuse avec des leggins noires, entre les deux il y a tout ce que tu es : quelques accessoires, un choix de couleur et de tissus, tous ces vêtements éparpillés sur le lit qui ne prennent sens qu’une fois assemblés, sur ton corps. C’est là que je te comprends mieux : il y a toutes ces parties de toi que j’explore séparément et sur lesquelles je mets les mains, je ne suis pas en train de te baiser mais comme tu l’exiges j’attrape tes poignets, je lèche tes seins et je mets tes jambes sur mes épaules : c’est un point de vue sensible, car tu demandes à ce qu’on s’occupe de toi pleinement, c'est-à-dire séparément. C’est là que tu te retrouves tu dis, quand toutes ces unités disloquées se rejoignent à l’instant crucial où tu te cambres et où tes reins ne t’appartiennent plus, c'est-à-dire si j’accomplis bien ce que tu attends de moi : là tu t’oublies dans ta globalité. Avoue que ça t’excite. Je suis une drôle d'histoire pour toi, j’ai un passé qui s’efface, j’ai un présent qui m’échappe et je n’ai pas d’avenir. Toi tu es là et ça te suffit. Tu es un pantalon déchiré à la surface d’un océan, pour toi je rêve de profondeur et d’immensité. J'aimerais ne jamais t'oublier car tout a une fin.




Bande son idéale: Passion Pit -I've got your number

Reborn soon



Depuis le matin, les travaux de l'hôtel à côté m'empêchent de réfléchir pour moi et d'écrire, il s'en suit que tout ce qui devrait sortir de moi reste bloqué là de façon inappropriée. Une bonne occasion pour se changer les idées et sortir faire un tour je me dis. Si tu viens sur ma terrasse au soleil, tu verras qu'il y a beaucoup de gens qui ne se connaissent pas mais qui préfèrent rester debout plutôt que de partager un morceau de chaise. Les conversations autour sont le brouhaha sonore que l'on aimerait oublier mais pour cela il faudrait partir à l'étranger (alors les mots ne sont plus que des sons, je ne les comprends pas et ils ne s'insinuent pas jusqu'à l'intérieur de moi, contaminant mon être et ma pensée de façon définitive, de façon irréversible, de façon insupportable). Pareil, si tu veux regarder autour de toi sans te faire plaquer au sol par la moindre affiche publicitaire, voyage loin. Tu ne peux pas fermer les yeux à tout, tu ne peux pas te boucher les oreilles, tu ne peux pas empêcher les gens de travailler ni de te bousculer dans les rayons frais du supermarché, ni de parler de Nico juste dans ta nuque, qui est vraiment trop incompréhensible tu vois, avec tes copines, d'une voix de tête. Tu ne peux pas écrire en clair sans faire partie de ce monde, mais si ce que tu veux c'est créer quelque chose de nouveau, alors tu dois te retirer. Considère avec un courage suffisant et idiot ces heures collées au bureau à t'user les yeux sur un écran d'ordinateur quand dehors il fait beau, quand les filles sont toutes en mini jupe, quand la piscine vient d'ouvrir, quand c'est l'anniversaire de Mady, la sainte patronne des alcooliques du quartier. J'ai soif mais je m'efforce encore. Je m'essore de toute la vie que j'ai dans le ventre et puis je me remplis. Je sors, je rencontre une femme aux grands gestes et à la voix trainante, au pantalon serré et aux bottes à bouts pointues en cuir élimé. Je la suis. Je ne sais pas pourquoi. Viens chez moi a-t'elle dit, on verra bien. Nous faisons l'amour. Puis elle me prie de partir. Très bien. Je cherche la vérité cachée de cet épisode dans le taxi du retour. Je cherche le détail infime d'où faire partir une histoire, quelque chose comme un coup de fusil. Je cherche une intimité avec le cosmos dans le mystère des choses (je veux ses grandes règles obtues qui font de ce monde quelque chose de palpable et de crédible, selon nos propres critères: copier le chaos, le perpétuel débordement, le ridicule, l'anéantissement, l'absence de sens et de raison doit aider pour faire une oeuvre aussi riche). Le chauffeur me raconte sa femme, ses crises de jalousie, le crissement du latex, les soirées organisées dans un camion qui parcourt la ville. Il gardera la monnaie sans rien me demander. Je vérifie que je n'ai rien oublié. Dans mon téléphone il y a un nouveau numéro que je ne connais pas. J'imagine que c'est la fille avec qui j'ai passé la nuit. L'effet d'une boisson énergisante se fait encore sentir. Je bande en clair, et je pense qu'il est de bon ton de tenir quelqu'un au courant (on crée quelque chose à partir du moment où on est deux). Je laisse un message vocal explicite au dernier numéro. J'envoie trois SMS. Je ne reçois pas de réponse. Le lendemain, le numéro n'est plus attribué. J'imagine tout ce que nous ne vivrons pas ensemble. Les traveaux à côté de chez moi durent toujours. Je ne peux pas dormir. Je bois café sur café. J'ai le coeur qui bat à tout rompre. Si tu veux écrire, il faut que tu te ralentisses je me dis, il faut que tu imagines un monde exactement identique, et que tu projettes ta volonté sur le corps astral de tes personnages. Tout autour de moi, ce n'est pas mon livre, je n'en suis pas l'auteur. Je n'aurais pas fait les choses comme ça. J'ai gardé le préservatif dans la poche - je l'avais récupéré discrètement, on ne sait jamais ce qu'on pourrait faire avec ma semence. Je considère le sperme qui s'écoule, les petits spermatozoïdes encore frétillants, invisibles, je les imagine. Chacun de ces petits corps est une promesse d'avenir et aussi de quelque chose qui ne se réalisera jamais. Cette capote usagée est une autre alternative, c'est un futur imaginaire, c'est une probabilité qui ne se réalisera pas, mais la possibilité a existé. C'est comme toi / Reviens .




Bande son idéale: 2 Many DJ's - The beach vs Sandwiches

*plus rien



Le corps en ordalie/ Vertige courbé quand tu fermais les yeux/ Au milieu du chemin/ Du loin à parcourir/ Ne revenons pas dessus/ Partons (Mobilier clandestin/ Coffre à bagage)/ (La route/ Le naufrage)/ (Coucher du soleil/ Au dessus des nuages)/ (Pieds sur le tableau de bord/les boutons de l’air conditionné)/ ( La lumière des phares/ danse de serpents de nuit)/ (La rosée du matin/Ouvre la fenêtre)/ (Ca va passer/ Frein à main).

A l’inverse/ Qui êtes vous ? / A pardon c’est gênant/ Le regard de l’autre côté de la rue/ Des yeux noirs en éclipse/ Manipulations/ Poursuite en mocassins vernis/ Chapeau panama/ Labyrinthe de ruelles/ La Casbah/.

J’aime quelque chose en toi/ Pourquoi ?/Mener l’enquête/Travailler en silence/S’obliger/Y voir clair dans ton jeu/ C’est toi ou moi/ C’est pareil/ On y passe/.

Le grand marché/ Etalages d’épices/ Encens renversé/ Pigments dispersés/ Fumée bleue/ Les couloirs d’un grand hôtel/ Tapis rouges (épais et poussiéreux) / Rampe d’escalier en bois de santal/ Poignées de cuir souple/ Le grand jeu/.

Vous mon agent secret/ Rue des cinq diamants/ C’est toi John ?/Non (Tu es spéciale/Rien de personnel)/.

Tu vois cette grange là-bas au fond ? / Tu vois ce chemin de fer ?/ Pas moi/ Je t’ignore/ (Que voulez vous dire?)/.

Plus rien n’est vrai/ C’est beau ce mensonge/ Ne pas toucher terre/ Ne pas voir le soleil/ Ne pas toi/ C’est bien comme ça/ Tête la première/ Un grand bain actuel/ Le saut de l’ange/.

La science ne peut rien pour toi/.
.
Si j’étais toi je partirais/ Sans me retourner/ En finir avec moi/ Sans une explication/ Pas un mot/ Un crachat/.

Comme retirer des maillots mouillés/ Comme enfiler de nouveaux bas/ Comme accrocher la manche dans le ventilateur/ Comme mettre le pied dans le désir/ Comme le zip coincé dans les toilettes/ Comme refaire le monde à la truelle/ Comme les pieds dans le tapis/ Comme s’emmêler dans tes cheveux/.

Ce que nous faisons sera là encore/ Ne t’inquiète pas/.
.
Nos actes sont supérieurs à nous/ Nous sommes plus petits que tout/ Nous sommes les travailleurs du flux/.
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Les abeilles négligeables construisent l’avenir/ Quand dois-je revenir ?/.

Le coup est parti/ On ne peut rien en dire/Trop tôt pour se prononcer/ Le verre est vide/ La coupe est pleine/ Tournée générale/ Je serai dans la salle d’attente (au bar)/.

Bien le bonjour/C’est trop tard maintenant/ Qu’est-ce que tu croyais ?/Ne le prends pas mal/ Tu as dépassé le moment/ Le cœur est vide/ Le repos démâté/.

L’existence des plaines/ Herbe folle/ La solitude est un résineux sur une lande nue/.

Où voulez vous aller ?/ Où allons nous ?/ Arrêt facultatif/ C’est ainsi / Adieu. So long cowboy/.

La science ne peut plus rien contre toi/.
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Bande son idéale: Alain Bashung - Vertige de l'amour

Homo virtualis/sed red (= E79)


=E79 / ses recherches sur l’intertextualité sont une mise en abîme : un auteur peut devenir un personnage d’encre et de papier, il suffit de lui prêter non plus une voix mais une fonction objective et autonome, il suffit de s’écarter et de prendre de la distance, alors le lecteur sort du cerveau et se met à l’observer, faits et gestes consignés à chercher un sens à chacun de ses pas, à chacune de ses interventions, témoin absolu d’un univers dont le démiurge authentique, l’auteur préalable, serait dessiné à l’arrière plan, souvent sans même le droit à la parole, car le faire parler le démasquerait et le personnage papier perdrait son énigmatique réalité, toute entière fondée sur une illusion, le véritable auteur fait de nous des êtres de papier recyclable dans un livre qui n’est pas le nôtre, nous échangeons notre intertexte à des distances de là, dans d’autres pages, que nous ne lirons pas, et les pages qui nous concernent convoquent en strates la subjectivité mouvante de tout ce qui nous entoure, et qui se répercute aussi en écho encore ailleurs, écoulements s’altérant eux-même et prenant de nouvelles significations, réseau maille en expansion, je peux créer mon propre inter texte au format préalablement défini mais les personnages ne doivent jamais savoir, il y a cette barrière qui interdit de révéler, imaginons un personnage qui sait ce que je suis quand je lui donne vie, en quelque sorte c’est lui qui me fait, comme l’homme ne saura jamais vraiment ce qui l’a fait, ni ne saura ce qu’il est, et aussi son état à bien y réfléchir/après l’avoir fait réfléchir, il ne pourrait que l’accepter, pas de modification possible, pas de réflexion, au sens d’agissement miroir, car ce à quoi il obéit alors ce n’est pas seulement à la volonté que je lui impose, fût-ce là la volonté qu’il sache, et dont il n’est que l’objet indirect, mais c’est à la continuation du récit qu’il doit ses ordres, comme le fil absolu qui nous lie lui et moi, lui donner la possibilité d’agir et de couper ce lien signifierait la fin de la ligne, il n’est libre d’exister que dans la mesure où le récit le contraint, la fin de cet échange se signe par la fin du récit, et nous imaginons l’homme de papier vaquer à ses occupations, penser par lui-même dans un coin du cerveau, mais dans notre cerveau, cette méta logique ne peut se défaire, ou bien le récit s’interrompre – mort de l’auteur peut-être, et notre personnage devient amplement libre de ne pas exister // E9A8://=B749 ! et à quoi pensent-ils tous ces hommes dupliqués dans le virtuel ? quels sont les fondements psychologiques des personnages dans nos rêves ? après ces secondes de semblant d’existence, une fois les yeux ouverts, que deviennent toutes leurs intentions ? elles ne disparaissent pas, elles se répercutent, elles font leur chemin, elles se matérialisent dans corps réceptacle, elles en modifient les termes, elles se passent de main en main comme ballons d’énergie, et si je pense à toi alors quand tu n’es pas là, que deviens tu lorsque j’ouvre les yeux ? – je bande, comment expliques tu cela ?//CV87=BXT209/// et tu existes absolument quand je te couche ici à mettre ce que je veux sur ton corps, ce n’est pas une menace, c’est une intention que je t’observe, tu modifies toi aussi mon comportement par ton existence suspecte, mais la somme des parties ici n’est pas équivalente au tout, puisque dans le remodelage je peux te recomposer à l’infini, t’articuler les dents avec les genoux, te faire marcher étrangement et te réinventer des mots, des expressions, explorer ton corps de toutes mes façons, c’est te déconstruire, c’est te refuser le droit par toi-même, c’est acquérir ta licence, et la seule façon de te retrouver en entier c’est de m’éloigner, alors tu rentres à peu près dans mon champs visuel mais tu n’es pas assez près pour que je puisse te toucher, ce qui peut manquer d’intérêt –bien sûr, la délicatesse des mots et de l’amour courtois mais le désir a sa place et prend position pour une réalisation à court terme, autrement dit je ne sais plus ce que tu es quand je suis près de toi, je sais juste ta peau, tes yeux, ton cul, ton odeur, et ce que je sais aussi c’est la forme désassemblée que tu prends dans mon esprit, des jambes immenses, un cul très haut, des seins qui ne demandent qu’à jaillir, des lèvres charnues, des cheveux pour agripper, un sexe béant et ouvert, comme une bouche mais en plus irrigué (tu n’as pas le dos du genoux, pas de lobe d’oreille, d’ailleurs pas d’oreille, pas de dent, pas de troisième orteil : j’y suis peu sensible):!! XO45=26EE
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Bande son idéale: School of Seven Bells - Limb by Limb


No Dixit (No Exit)



Les phrases toutes faites sont là pour masquer l’angoisse, la peur de l’échec et du ridicule c'est-à-dire du temps de vie gâché, donc de la mort, parfois pourtant mieux vaut se taire. Tu préfères les non dits, qui s’étalent bien, qui s’allongent, qui s’insinuent, on peut se tromper sur leur sens, c’est ambivalent souvent, c’est ambigüe, c’est une brèche de possibilités, mais tu réfutes : pour toi, ce qui compte ce sont les non dits qui sont une évidence – que dois-je comprendre ? Autant te le faire savoir tout de suite, je n’y entends rien, tu me parles de ça comme si c’était tout naturel de laisser le doute prendre le pas, comme si c’était un but, mais un doute objectif et surtout évident, qui se nierait lui-même en quelque sorte. Je pense au contraire qu’il faut brusquer la réalité et la violer un peu, planter bien ses deux pieds dans le sol et imaginer être dans un rayon de lumière : décider pour soi et pour toi. Etre un homme, c’est aussi ma fonction. En choisissant cette solution, je ne peux pas me tromper/j’aurais une excuse suffisante. Entre les deux, comme d’habitude, toute une échelle d’infinies variations et de subtilités floutées où je perds ma concentration.
Par honnêteté je devrais prendre mes distances avec toi. Rien n’est simple, épuisé par l’effort dû à ta présence, je commence à répéter en boucle ce que tu veux entendre plutôt que ce que je voudrais dire. C’est s’éloigner des objectifs initiaux. La conversation suit son cours, le soleil de 18h se cache derrière les bâtiments, les rayons ardents qui me faisaient plisser les yeux et qui peut-être m’empêchaient de voir /te voir vraiment ont disparu, et avec eux la chaleur invisible et calme qui nous fait défaut, l’air se rafraichit d’un coup, je regarde le bout de tes seins se durcir sous ton chemisier vert forêt, une fleur gravée sur l’épaule et la manche mais je suis sous le tissu près de ta peau nue à mordiller de côté doucement les yeux fermés en t’enserrant la taille, tu caresserais mes cheveux en respirant lentement, tu me regardes faire homme/enfant, j’ai envie de te basculer sur la table et de me rapprocher de ta peau, en relevant ta jupe qui te tient bien sur les hanches, je repose mon thé, j’ai de la retenue, je regarde autour de moi en acquiesçant et sans t’avoir écouté je réponds quelque chose de convenu et d’apaisant. Tu approuves silencieusement mais m’as-tu entendu hurler d’une façon ou d’une autre?
Le lendemain, sur ta chaise devant la vitre, je ne te vois pas vraiment mais je t’imagine, complètement aveuglé par la lumière extérieure, ta silhouette et tes gestes dessinés en négatif dans le halo blanc, je pense que tu n’as pas tort finalement, les mots sont inutiles parfois, je regarde tes épaules et ta peau soyeuse dénudées par le pull over noir un peu lâche, je voudrais te lécher la tête humérale ou au moins l’aile externe de l’omoplate et je te regarde me parler plus que je ne t’écoute, je n’y vois plus rien c’est insoutenable. Admettons, tu n’es pas tout à fait la même à chaque fois et les situations sont différentes, similaires mais différentes, mais je prouverai ma constance dans l’impossibilité de te parler honnêtement en te regardant dans les yeux : je suis saisi au ventre, à moins que tu n’interviennes je continuerai d’admettre pour toi qu’il existe plusieurs sortes d’amour, et que la passion physique n’a qu’un temps (les corps à portée) le cerveau limbique complètement saturé d’hormones contradictoires.
Profitons encore de ces moments là, et de cette indécision – c’est beau. Regarde où on en est. Tu bois de l’Absolut au goulot, tu ne tiens plus debout, tes bas sont filés aux cuisses, je ne sais pas ce que tu faisais dehors ni avec qui. Ce soir là tu avais encore la distance modeste des filles avec qui je n’ai pas encore couché – tu aurais pu me détester pour ça, j’aurais compris. Il allait se passer quelque chose, tout le monde pouvait le sentir, mais tu refusais de voir les choses en face. A un moment tu t’es sentie mal, tu es allée t’asseoir, je me suis approché par derrière, j’ai posé mon visage sur ton visage, mais à l’envers. Plus tard dans la voiture tu me demandes si j’ai envie de baiser je te dis oui tu me dis non. Tu ramènes les jambes vers toi, si je veux te voir toute nue ? Oui. Non - ça claque. Je ne sais plus quoi faire, je te dis comme un américain que tu es la one, que tu es la seule, que ce que je ressens c’est de la tendresse, une tendresse un peu dure c’est vrai mais il faut s’accepter comme on est, j’ai envie d’être près de toi tout le temps, dormir avec toi, manger avec toi, être dans la salle de bain avec toi, tout ce que j’ai vécu jusqu’ici c’était juste pour ce moment là tu sais, c’est le début de quelque chose et pas seulement le jour qui se lève tu sais. Tu veux que je te suce ? S’il te plaît. Ta gueule.




Bande son idéale: Pixies - Alec Eiffel

Le purgatoire des sens



Je te suis partout où tu vas. J’aime te regarder de loin, le jean rentré dans ton cul et le port de tête immobile malgré les hanches ballottées par les changements de direction, le bruit appuyé de tes talons sur le sol qui frappe tout la rue, la mécanique ondulatoire de tes épaules qui te donne l’équilibre et la grâce d’une machine discrètement érotique, les petits coups d’œil brefs quand tu traverses, et ta façon de ne pas regarder les hommes que tu croises surtout, de ne pas te mordre les lèvres, de ne pas te retourner, de ne pas évaluer mentalement ce que tu pourrais trouver comme plaisir si tu devais les suivre dans une chambre sous les toits, ou ce qui t’arriverait si tu te laissais inviter à chaque occasion.
Je m’approche, pas trop, je te laisse t’éloigner, je fais semblant de te perdre. Tu t’arrêtes devant une vitrine et dans le reflet surajouté du verre tu pourrais me surprendre adossé à un poteau indicateur, à faire semblant de fumer jusqu’à ce que tu reprennes. Tu sais sans doute que je suis là, pas loin, à attendre le bon flux de subjectivité pour te sauter au cou. Tu dois bien sentir ce poids sur tes reins qui appuie et qui voudrait te travailler à distance. Tu ne montres rien. Peut-être que c’est ce qui te plait, cette indétermination un peu forcée, cette absence d’évidence, c’est une façon de vouloir ressentir comme si c’était égal, et qui te permets de simuler la surprise.
Je t’impose mentalement toute sorte de partenaires, des adolescents à peine pubères et encore imberbes jouissent pour la première fois dans ta main sous un porche un peu honteux, des vieillards que tu ramènes chez toi presque de force trouvent encore l’énergie de te monter dessus par derrière sur le pallier et de t’agripper à pleines mains, cette image de toi allongée sur une table branlante dans un sous sol, saillie par quelque chose d’épais et gras dans une atmosphère enfumée revient souvent aussi, je suis au dessus de toi dans cette peau imaginaire, derrière toute la laideur possible et tu te laisses aller, rendue, les yeux fermés et les seins balancés de haut en bas par le mouvement que je t’impose, il n’y a pas d’issue, il n’y a pas d’alternative, je te fais l’amour comme un corps immoral jusqu’à t’user, tu ne le sais pas mais c’est moi, regarde, si ça c’en est pas ?
Je ne peux pas m’empêcher, si tu crois que ça m’amuse, c’est aussi quelque chose à quoi je m’oblige pour me libérer de toi et pouvoir enfin te voir comme tu es, mais aussi telle que tu pourrais être, c’est à dire celle que tu n’es pas. C’est te désirer pleinement, complètement, de façon globale et inimaginable, de façon multiple, tu comprends ça n’est-ce pas ?
C’est un psychodrame et j’ignore tout de sa résolution. Je ne sais pas comment je dois réagir quand je te vois revenir de ces épisodes mentaux. Comme d’habitude, tu n’es coupable de rien, ton innocence est une marque de fabrique, il va te falloir trouver autre chose.
Je t’observe avec une attention absolument minéralogique, je t’observe comme un évènement. On peut rester longtemps comme ça. Je commence à croire que tu es un élément formatif. La rue s’anime différemment sur ton passage. Dans la foule ton corps est différent. Je ne peux pas croire que tu ne sens pas le désir partout autour de toi. Tu sais bien qu’il te suffirait d’un geste, et ce geste c’est ce que tu es. C’est cette distance qui te sépare de tout, et qui te conserve assez vierge malgré ce que je sais dans un monde saturé. Rien n’est aussi vrai pourtant que ce que j’imagine. Non loin des files d’automobiles, la lumière découpée par les bâtiments s’aplatit, les ombres s’allongent, sortent du vide, s’enroulent autour de tes cuisses. Devant toi, un accident de voitures carambolées est une promesse érotique - les entrailles surchauffées sont mises à nu sous le soleil brûlant, le capot est partiellement embouti, le pare choc est déshabillé par la violence et abandonné là sur le béton comme un sourire édenté et satisfait, mais c’est aussi quelque chose qui ne pourra pas être modifié, comme une insulte irrémédiable, ou la réalisation la plus aboutie du désir, un orgasme qui ne pourrait plus finir.


Bande son idéale: Black Lips - Italian sexual frustration

Drappé palpébral

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Tu as l’air de réfléchir. Il persiste derrière tes yeux une volonté de résistance malgré toi. Ta personne irrévocable – en dernier lieu celle identique à elle-même, réagit par reflexe comme un ultime rempart contre mes intentions. Il s’agit d’être tout à fait clair : je me donne toute la liberté de te vouloir vraiment. Il n’y a plus rien qui m’oblige. Ta dissolution est objective, elle est irrévocable.
J’observe avec un certain détachement chacune des possibilités qui passent par toi. Je prends des notes, déterminé à isoler chacun de tes gestes hors de tout contexte. C’est quelque chose qui m’intéresse d’énoncer patiemment ces choses simples qui concernent ton corps et sa géométrie, mais surtout d’imaginer certaines séquences fusionnées avec les angles de la chambre – le reste passe au second plan, je ne sortirai pas d’ici avant d’en avoir fini.
C’est une véritable obsession pour l’activité spécifique de tes fonctions.
Sur le rebord du lit tu te demandes si tu dois t’allonger près de moi. J’observe l’inclinaison de ton pubis en récapitulant mentalement les paramètres uniques qui t’identifient dernièrement : de fines coupures sur le corps, un système musculaire efficace et souple, un orifice encore non identifié. Plus tôt, accroupie sur le sol de la salle de bain, les genoux écartés, le corps que tu me proposais plié en deux contre la fayence frottée de la baignoire évoquait un étrange véhicule mutilé perdu dans une fin de couloir d’hôpital.
Je répète pour moi-même cette séquence intérieure plusieurs fois en me masturbant. Tu te penches sur mon épaule, tu me regardes tendrement avec une lueur d’inconscience tout au fond du bleu gris comme on regarde un enfant inadapté sans y faire trop attention, tes cheveux caressent ma poitrine, tu appliques une sorte de fixatif onirique à la scène qui lui donne sa véritable dimension, tu comprends mon désir d’être enserré par ton vagin, complètement, définitivement, tu voudrais me convaincre de quelque chose, tu cherches bien tes mots, tu t’interromps. Peine perdue tu sembles dire un peu triste, rien ne me fera plus changer d’avis.
Je cherche dans tes yeux, au centre des moirures étranges du cristallin, des diagrammes prédictifs de forme complexe, des perceptions immédiates couleur bleu cobalt, de nouvelles approches prospectives.
Le vent souffle au dehors dans la ville abandonnée, les cinémas sont en ruine, les parkings sont fleuris comme des tombes avec des automobiles abandonnées, tout est à recommencer.
La transition d’un corps à l’autre se fait par les interstices de l’espace entre nous. Pourtant c’est loin. J'ai envie d'être un glaçon entre deux peaux à toi et de disparaître au fond de la jonction de tes deux sexes creux, totalement englouti et noyé de désir de toute part. C’était prévisible d’un certain point de vue. Tu comprends ce que je te dis là n’est ce pas ?
Il me semble que je me rapproche de toi de façon irréversible dans le temps immobile. C’est une proposition qui fait sens. Tu fermes les yeux. Tes paupières sont chacune un rideau irrigué qui font taire les restes épars d'un autre monde au dehors, tout ce qui ne nous concerne pas, et qui jettent le discrédit sur tout ce qui n'est pas toi en dernier lieu. On se retrouve dans le noir. Nous ne sommes plus éclairés que de ta lumière intérieure. J’aime cette intimité.


Bande son idéale: The Doors - Not to touch the earth