Libértés particulaires et diffractions suspendues du réel


Sur le rebords du temps, à regarder en arrière, les mots vont plus vite que le son et la lumière, mais Touffe lui s’en fiche, à hurler dans un micro des onomatopées inaudibles ou des bribes de discours sentencieux incompréhensibles, proto énoncés d’intentions difficiles à qualifier, enregistrant sa propre boucle dans son propre circuit mécanique, une nouvelle forme d’organe à se brancher par l’orifice approprié, sorte de plug and play dédié, et déstructurant la répétition en la disséquant avec ses machines, écartelant les infimes nuances de vibration en disloquant l’enveloppe, les boutons tournés vers les spectres les plus extrêmes, jusqu’à la rupture d’équilibre, nébuleuse de sons dans la possibilité/impossibilité à la fois de ce qui est et de ce qui n’est pas, à exploser continûment, exposé aux météores tombés d’une galaxie langue, univers cosmos big bang et vers quel forme d’outrage sacré nous dirigeons nous ? Un nuage s’évapore dans un autre nuage et dans la déflagration soutenue par l’ascèse répétitive d’une guitare aux cisaillements saturés j’en étais maintenant à chercher ce qui se cachait derrière cette position là, et l’ensemble de tout ce qui avait pu me conduire jusqu’ici. La fumée sur la scène est en stase, les lasers blancs aveuglant tournoient et les volutes prennent forme, puis la dislocation stroboscopique de l’espace par jeu étudié segmente à nouveau le tout et déconstruit ce nouveau plan de réalité. Le vrai devient un moment du faux. Le réel n’est plus qu’une sorte de contrainte formelle et tout se produit en même temps, et la simultanéité est la clé de ce que je suis jusqu’à présent et de tous mes atomes antérieurs, jusqu’à tout ce qui pourrait survenir. Touffe prend des poses de déficient congénital sur son clavier et la grosse veine au milieu du front qui se gonfle nous annonce qu’il va se remettre à crier, une sorte de déflagration qui par reflexe d’anticipation nous saisit les follicules pileux d’effroi. Je repère Sloane dans la foule, un imper fendu très haut, des bas et un long pull, c’est tout ce qu’on peut voir d’ici, le visage très maquillé. Bouquet final, Touffe se propose de projeter sur le public toutes les formes des productions de son corps, et c’est là que j’attrape Sloane par la manche et qu’elle-même se saisit de ses deux Jennifer en larmes, les tympans broyés par la performance, et que nous nous dirigeons vers la sortie : rien que du déjà vu. Au NY, la femme médecin dans le repli confiné sous les arcades montre les veines de son bras en expliquant à un étudiant aux Beaux Arts en costume de stewart l’intérêt poétique d’en passer par une rehab: la flèche d’or, piqure de rappel à la fois du rêve et du réel, et alors prendre le risque de voyager vers la grâce, jamais de nostalgie, c'est comme enfiler des collants neufs, ou une promesse magnifique et illusoire, et qui contient en elle tous les germes de son propre mensonge. Sorrento Siren enregistre chambre 308 de l’ancien Beat Hotel un set expérimental électronique de 78 minutes et trente sept secondes, durée de la séquence apparue en rêve la veille au soir à Jéronimo, 2/3 du groupe, après une séance d’auto hypnose. Chacun sans un bruit crée un univers imperceptible mais réel dans le silence, présence fantomatique en fond sonore. A la Villa, soirée Morsure légèrement appuyée, où des volontaires de tous sexes, enfin des deux sexes, prêtent leurs jugulaires et la nuque aux crocs aiguisés d’un homme long et pâle au visage émacié et aux mains poilues. Corinthe s’approche. Attache ses cheveux et tend la peau délicatement satinée de son cou. Que fait-elle dans la vie ? Elle est nymphomane tout simplement. Slimane lui la saisit délicatement et lui caresse longuement les épaules avant de pénétrer la peau. Il est atteint de porphyrie, un déficit de la saturation en fer dans le métabolisme de ses globules. Corinthe est déjà saisie de stupeur, puis elle se laisse aller en soupirant. L’expérience est concluante, et allongés par terre sur un lit de roses rouges, ils se proposent de la prolonger. Slimane veut mordre maintenant au creux de l’aine, à la jointure des cuisses. Corinthe remonte sa jupe et plisse les yeux. Tous autour, un verre de champagne à la main pour certains, en silence, ravalant notre salive, à regarder au centre du cercle comme si c’était la première fois, ou comme si c’était la fin du monde. Ce jour là, je serai posté au coin de ma rue, les cheveux flottant aux vents de particules, admirant la dernière aube de l’humanité, à attendre la chaleur des 1000 soleils du jour nouveau, le dernier. On saura où me trouver.


Bande son idéale: All rights reversed - The Chemical Brothers