Façons du mystère de la rencontre



Je ne suis plus le même. Je ne l’ai jamais été. Je jouis aujourd’hui d’être un objet étranger à moi même. Le pied sur le lavabo, les jambes en équerre, cuisses tendues et douloureuses, je vois depuis ma position celui que j’appelle Orion, sorte d’avatar idéal, s’appliquer un gel dépilatoire sur les mollets, un bonnet de bain enfoncé jusqu’à la nuque, et un masque aux concombres sur le visage. On le comprend, une certaine forme de perception de la réalité dont jusque là je m’accommodais semble fuir vers un nouveau plan de consistance, trajectoire imprévisible mais déterminée, et dont l’inclinaison n’a plus rien de relatif. Ce que je veux, c’est tout ce qui peut survenir pour cet autre que moi et qui a pris ma place, cet être qui s’est extirpé de la nuit et auquel j’ai prêté mon âme mais dont la solitude ne m’appartient plus. Pour être clair, il s’agit de devenir une partie du tout, avec l’idée fixe partout toujours de la joie d'un serment pris sur le vif, et de la répétition de l’impression d’un jus de papilles sur la ligne de la désignation des éléments concomitants dans le creux de la main du destin (par opposition, par exemple, avec l’atmosphère d’une fin de couloirs d’hôpital). C’est ainsi qu’on se retrouve dans la limousine avec Gecko avec mon ostéopathe, qui se fait désormais payer en chaussures de marques, à rouler très lentement sur le périphérique, nous portons des lunettes noires même s’il fait nuit, costumes de marque Antonio V ou TM, petite veste Oscar C et pantalon ajusté Minestrone quant à moi, avec chaussures Rangers Raturo ouvertes, la languette étirée vers l’avant, on passe prendre Claudio, le fils d’un célèbre mannequin dépressif des années 60 et égérie de la scène NY underground, à Bourg la Reine. Soirée Toyz-are-us au Georges, Pantha du Prince mixe éclectique mais on aurait presque la nostalgie des soirées Dans ton cul du défunt P. Où l’on croise BBQ pour Métalorgie et Sigare pour le magazine B-rain. Dorothy C du collectif Slave-me porte un masque de lapin à poils touffus, et Eric de la Joya tente de la convaincre qu’il mérite d’être bu ce soir. La coupe est pleine et a hâte de déborder. A la soirée anniversaire du club S, Isocodine teste le son de ses instruments virtuels après un passage houleux au Twilo, et Kapuchone revient d’un futur qui ne marche pas, il n’y a pas de lendemain, la nuit est à vivre ici tout de suite. Le matin qui vient est une caldeira rebord du monde là où s’engouffrent les consciences accrues depuis la veille au soir. Mais pas tout de suite. FDO, l’ancienne gare : Random sex, Vibraphone, Les médicament du bonheur, Sushi la colle, pour la partie musicale. Puis Grandfuzz pour une sélection clinique et détachée d’électro séminale. Sloane nous retrouve chez Monica Mazet pour une fin de nuit en l’honneur de Mickey R : courte apparition, gueule de boxeur, veste blanche en coton GF, débardeur malgré la saison, cicatrice apparente sur le coin du menton et au sourcil droit. Scène acoustique inintelligible d’Emperor M, d’où atmosphère dissidente ; Sloane fait l’éducation d’un visiteur roux au visage masqué et dont je ne découvrirai que bien plus tard l’identité. Une femme en fuseau moulant rouge et prune explique à qui veut l’entendre qu’elle a cessé de prendre ses médicaments. Un danseur de tango italien entreprend une jeune fille du service des sports de Canalplus. Un hollandais en nœud papillon cherche autour de lui l’amour fou. La nuit déborde, elle étend ses bras. Sloane, si l’on veut être littéral, en est la traversée de bout en bout. Au détour du chemin, mystère de la rencontre, éternité dans le temporel, vers décollage immédiat. A chercher qui saura la mordre à l'angle de deux corps et absolument d'ici peu, à se donner la peau par la main. Grands vents attendus, des marées diluviennes qui s'étalent comme pâte à papier renversée sous les inflexions tentaculaires aux liens de la douleur exquise à l'écorce sûre à mâcher la résine du temps dans les renfoncements appuyés de tout ce qui transpire. Etre tel que je suis et à ce point, bien occupé tu vois. Tirer les ficelles du réel, te retrouver au sommet de tout : pas de problème.

Bande son idéale : Kavinsky – Testarossa Autodrive