Précis de curiosités désirables avec oiseaux de proie


Pour ceux que ces quelques lignes exaspèrent quotidiennement sachez que Jean Henri me donne très régulièrement une bonne leçon et que ses bottines de Street Fight viennent frotter tout contre mon nez de façon bi hebdomadaire lors de nos rendez vous un peu spéciaux près de la gare Saint Lazare. Là, dans le cabinet de dentiste de son cousin dont les locaux sont immenses, dans la salle d’attente et tout près du piano à queue, nous nous efforçons pendant plus d’une heure dans un rituel réglé d’avance, et il me distille ça et là ses conseils entre deux pas chassés dans mon nez, lors de nos cours de boxe française. Jean Henri porte des chaînes en or autour du cou et des gants 10oz Nike, tenue noire de rigueur, et il se déplace avec son attachée de presse qui prend les rendez vous, bustier exagérément ouvert assise dans le canapé Starck ou sur le tabouret à roulette, à faire la toupie tandis que je savoure le goût des semelles – Jean Henri est un champion international de boxe masquée. La sœur de Jean Henri aime aussi s’entrainer contre moi, mais alors je pratique un corps à corps exagérément soutenu, et lorsque nos sueurs se touchent la tension atteint son comble et nous ne finissons plus qu’épuisés et roulés en boule sur le parquet, l’un contre l’autre, c’est assez tendre quand on y pense étant donné le contexte. Puis la douche et le soin de peau. Les courses de survie au Monoprix de Bastille, idéal pour les rencontres urbaines, à guetter dans les petits paniers rouges l’étalage d’une vie de célibataire, et à proposer des yeux un rendez vous le soir même en atmosphère confinée. Sloane et les deux Jennifer sont prises ce soir, soirée à thème : le tupperware. On amène ce qu’on a et à chaque pot son couvercle. Eric de La Joya explore toutes les formes de l’amour urbain par les réseaux virtuels, et son messenger propose en première intention une nuit d’amour toute en grâce et coordination, des plateaux de fruit qui allongent le temps et qui retiennent le regard, une nuit une seule, oui mais comme une vie. Michel Michel est à Berlin avec une américaine du Wisconsin qu’il a rencontré dans un bar à eau. Dehors il fait froid. Dedans il sent se lever l’une après l’autre des vagues d’hystérie qui s’échouent sur le bord du lit. Retours demain dans la matinée envisagé. Apéritif au Petit M après la séance photo de Madonna pour Vuiton. Marcel, le patron, se souvient d’une femme très courtoise aux jambes écartelées par les poses et portées par des chaussures à talon brillantes Monica Lampard, aux cheveux dorés, au maquillage impeccable et au français approximatif. Mais elle sentirait un peu l’ammoniac. Dîner avec mon ostéopathe et Le Gecko dans un restaurant sarde où le patron laisse les bons clients s’allumer un long cigare en salle. Mon téléphone sonne et je le considère avec crédulité : un numéro masqué, encore, et qui ne dit rien lorsque je décroche. Peut-être que c’est là le message. Peut-être qu’il faut juste en savoir ce que j’en pense. Ces temps ci, je développe d’étranges pouvoirs télépathiques et qui ne me servent à rien ; par exemple je peux prédire exactement qui a envie de pisser autour de moi et quand. Les ardeurs de la soirée sont immédiatement calmées par la température extérieure, malgré toute l’honnêteté de nos préparatifs minutieux et amoureux. Impression de basculer dans un monde parallèle au bruit de talons des baskets d’un passant devant moi. Quelque chose ne colle pas. Le caoutchouc ne peut pas résonner si fort ou si sec contre le pavé glacé. Le gros œuvre dans les détails. Un décalage étrange. Une distance se crée, une trouée dans la réalité. Je n’ai rien pour noter mes pensées, car l’exercice d’écrire permet de dérouler le fil de la pelote du temps jusqu’à une conclusion, fut-elle temporaire. Aussi je fais le choix de m’appeler au téléphone pour me laisser un message. J’attends de tomber sur le répondeur, une invitation un peu spéciale que j’ai composé une nuit en pinçant les cordes d’un Ukulélé dans la cuisine de la sœur de Colin F à Brooklyn. Au bout de la ligne, le téléphone sonne dans le vide. Alors boucle passerelle / axe perpendiculaire à la ligne de lecture des évènements. Je suis le numéro masqué dans le froid de la nuit. Sur le pont de Sully, un oiseau de proie qui n’existe pas dans la ville, sorte d’apparition ou bien aussi d’hallucination, les communications biochimiques inter synaptiques dans mon cerveau baignent c’est assez clair dans une eau glaciale qui brouille le message. Owl dans la nuit, et je suis si surpris et je l’aime tant alors que je le regarde s’envoler et disparaître un peu ahuri, puis quand il est loin je lui crie : reviens ici. Traversée de la Seine nécessaire on l’aura compris, à l’émergence d’une nouvelle forme de conscience indicible et supra cognitive. A l’hôtel GV, Little Joe tente de se faire passer pour la moitié de Daft Punk pour approcher David Bowie au bar. Soirée d’anniversaire de mon éditrice, mais l’ennui gagne. Malika, une brune allemande, frange et petit carré, des yeux noirs très profonds, des jambes immenses, nous invite à la suivre et on rejoint Guido de la friperie en bas. Dans l’immeuble au troisième étage d’une galerie d’art contemporain célèbre (Paris NYC Milan), c’est une soirée naturiste qui s’organise. Les filles posent dans la rue à moitié nues devant la vitrine du fleuriste. Dans les étages, on n’a pas le droit de faire du bruit. Sur le pallier on nous confirme : il faudra bien se déshabiller. Tout est possible je dis. De sous la porte et de l’intérieur coule à nos pieds un liquide brunâtre et épais. La porte s’ouvre. Guido vient de la part de S. C’est moi S on nous dit. Malika avance dans la pièce comme une reine. Je la suis. Soupirs. Les sens en éveil, dans le noir. J’entends : « bon courage ». On pousse une porte. Une étrange musique qui n’existe pas dans la tête, un fond de verre disco/jungle sirupeux. Malika récite Schopenhauer dans le noir, à voix basse, pour elle-même. « L’amant est près à abandonner tous les biens du monde pour dormir à côté de cette femme impuissante à lui donner plus de jouissance qu’une autre, dit-elle. La passion s’éteint par la jouissance. A la grande surprise des amants ». Il est cependant prévu d’échanger les corps. Biologiquement nous sommes tous uniques. C’est mieux ainsi.

Bande son idéale : Pizzicato five - Twiggy twiggy