Une apparition dificilement explicable



Personne dans la rue ne parle plus jamais tout seul : on parle à son téléphone, même si c’est un téléphone imaginaire. Autre: on peut parler à quelqu’un, rien ne prouve qu’on n’est pas seul (on ne décide pas toujours bien entendu). Cédric Attias del Curatolo a composé un spectacle vivant sur l’absence signifiante appelé Membrefantôme – un homme parcourt les rues de la ville la nuit en vélo en se racontant sa propre histoire pendant 2h28, il dessine sur les murs des organigrammes complexes, panneaux 4 par 8, cases décisionnelles pour chaque question avec son lot de connectivité et flèches interrelationnelles, tentatives d’explication du réel et d’extraction d’une substance autonome cristal de sens, on comprend qu’une femme l’a quitté, ou peut-être est-ce un homme, ou juste un fantasme aussi, peut-être ne sommes nous pas là d’ailleurs, et il compose pour finir d’étranges sculptures sous les ponts avec des fragments de verre brisé, une arche à relier deux points éloignés du temps dit-il - à voir dans la cour couverte du centre culturel finlandais. UnknIgno lui fait sa première, un évènement hard punk et poétique intitulé De l’un de l’âme, un tour de force de 6h14 en gravitation autour d’une femme polymorphe belle et laide à la fois et qui fait passer le corps par tous les états de la matière, et son amant perdu en rêve dans les ruines de Dresde finit par rencontrer en haut de la colline l’alchimiste inventeur de la couleur bleu profond qui sait prédire l’avenir – c’est tout simple en fait : ne pas imaginer la flèche du temps comme une direction probable, mais plutôt vivre dans un méta-temps où passé présent et futur sont concomitants et où les évènements sont tous liés de façon extrêmement intriqués. La Sybille est de passage avec Exode dit Osmose qui dispense gratuitement des cours d’économie à la terrasse des cafés. Mon ostéopathe porte mieux que quiconque les souliers blancs vernis de Meli Murano avec un petit jean slim gris taille basse négligent. Nataliana nous a rejoint, elle porte des boucles d’oreille totems de tribu huronne et rien ne semble mieux convenir ce soir. Sloane précipite les choses : l’étendue de tous les instants est agglutinée, on se retrouve chez un styliste italien à deux pas de là dans un appartement découpé en dix neufs boxs à thème – chiffres, couleurs…Je suis dans le pourpre. Soudain sans que l’on comprenne pourquoi Johnny Sunshinne aka Slim R aka Aka Lulu quitte la soirée furieux, l’alcool diraient certains mais c’est peut-être aussi dans son tempérament. La femme médecin aime le mot capacitatif. C’est la totalité probable en un point donné pour le défricheur de mots. C’est la masse des mécaniques qui sont accumulées dit Eric de la Joya. C’est le mouvement trop vite ou trop lent de tout ce qu’on ne verra pas bouger. C’est la dynamique de l’inerte surprend Raymond le Dog. C’est l’ordre de tirer mis en suspend, on attend, c’est le pouvoir d’y croire, c’est le rôdeur dans l’ombre, c’est le ventre qui gronde, c’est juste avant d’ouvrir les yeux, c’est la rencontre illusoire contre un chambranle de porte de conjonctions qui ignorent tout des fils de leurs apparitions, c’est la projection de deux golems de volonté propre l’un contre l’autre – Jean le biton gagne. Sloane a les cheveux électriques, véritables antennes sensitives à capter tout ce qui se passe autour et qu’on ne soupçonnerait pas. Elle et ses deux Jennifer commencent leurs ablutions pour un rituel complet de purification. Au P pour finir, DJ Marcel/Viande manie l’attente du dénouement et la promesse d’une récompense sévère mais juste dans un mix électro infatigable. Little Joe porte un tee shirt Suck my kiss acheté par correspondance sur la toile. Nataliana est une sirène aux formes changeantes, une créature en suspension dont les multiples jambes m’enserrent par la taille et m’enlacent dans une étreinte inqualifiable, ses ongles m’appuient brièvement sur la nuque et la douleur est exquise, et cette scène se répète en boucle dans mon souvenir comme si je l’avais déjà vécue avant même qu’elle ne se produise, avec la même précision et la même impression d’inquiétante étrangeté, et maintenant que je cherche à comprendre sa force énigmatique est multipliée encore par elle même. Jusqu’au souvenir même, boucle autonome et qui seul continuera d’exister. Par les mots ici,

structuration mentale d’une pensée

jusqu’alors inconnue.

Phrases/poutres+chapitres/étages/plateaux=> architecture réciproque et texte comme irruption dans ta vie. Métaforme circulaire et auto alimentée, vie autonome comme métastasée dans cerveau cible.

Bande son idéale: David Bowie - Heroes