Dieu et le doigt



Photons d’or, particules illuminées, air en suspension poussière, traversée de la lumière à travers le vitrail prisme du réel, nous en sommes là, bien peu de choses au regard du monde qui s’agite et s’accélère tout autour, parler tout seul dans un téléphone imaginaire, changer de place dans le métro avant que ça coupe mais le train avance et la Terre tourne, cela n’a pas la moindre importance, ou bien alors c’est primordial, parce que nous sommes ce qui est vivant et qu’il n’y a que nous pour raconter, des écailles de surface dans le thé de la veille, une lampe à frotter, et je cherche à comprendre, flux inversé, tentatives de descriptions d’un même évènement multipliées par elles même : limites de l’exercice du réveil. Comprendre un phénomène, établir son modèle reproductible, en tous points. Identifier le point d’inflexion par lequel se reflètent indéfiniment ces particularités communes de mécanisme et d’allure, en repérer les d’analogies, en établir les ressemblances en terme d’égalité. Étendre ces observations à l’étude d’un phénomène quelconque y compris humain. Mécanique neuve et reproductible de l’âme. Etablir/classer les ressemblances d’allure, les ressemblances des rôles en types de rôles, les affinités de mécanismes. Par exemple, l’avant-veille, Sloane qui n’aime que la légèreté se lie d’amitié au Pinup avec Anita, une néozélandaise extrêmement futile et drôle qui vit depuis deux ans à Paris sans parler le français, nounou libertine pour grands enfants bilingues le jour, hôtesse d’accompagnement pour établissements de couples la nuit - 50 E de l’heure pour ne consommer que ce qu’elle désire, et auto proclamée film director depuis qu’elle se met en scène dans une petite série très amusante sous forme de webisodes décalés sur deux danseurs contemporains persuadés de leur importance, utilisant chaque élément de la rue pour rechorégraphier le monde. Chacun fait ce qu’il peut, derrière le masque les rêves sont aussi complexes et aussi vrais que le monde matériel est tangible. Cette légèreté n’est pas pour nous déplaire, et en plus de nous divertir, elle nous renvoie à une angoisse importante : la peur de la mort, et c’est par là mieux encore apprendre à se connaître, c’est du moins ce que pense Grégory Mikhaël quand on l’interroge. Lui se voit plutôt en observateur et clinicien de nos nuits pour son prochain livre, à disséquer chaque épaisseur pour en arriver au muscle qui vibre sous le bistouri électrique en produisant une délicieuse odeur de fumet : la chair, le corps, la carcasse à désosser, jusqu’à toucher l’esprit du doigt. On suit Anita chez Martienne, néo/punk/postmoderne américaine fan de manga et qui vivait à London à Camden Town du temps où les coiffeurs espagnols rasaient la tête des clients à blanc assis sur des sièges de WC arrachés aux murs et déposés là dans la rue, on ne sait pas pourquoi elle nous parle de ça. Elle a décidé à sa manière d’entrer dans les ordres, et elle ne peint plus que des figures religieuses avec des visages d’oiseaux. Débat qui s’ensuit : coucher avec une religieuse, est-ce un exercice spirituel ? Raymond le Dog et la femme médecin nous retrouvent au B pour la soirée MissK. Backstage, la réalité par derrière, vodka/lemon et campari/orange sont un étrange mélange, arrivés au bord de la transe par l’hypnotisme répétitif de l’électro minimale et les basses cadencées qui désormais sont les seuls éléments du réel à passer le filtre. Dieu est parmi nous en train d’écraser sa cigarette par terre et de boire au goulot, il porte un tee shirt blanc Fire walk with me, le poignet est habillé de bracelets brésiliens multicolores, les pieds nus, de taille moyenne, les épaules maigre et le poil mal taillé, son jean taille basse se maintient par la grâce juste en dessous du pubis, il tourne sur lui-même les bras tendus une bouteille dans chaque main et par miracle il ne fait que nous frôler comme un vent tiède alcoolisé à 40 degrés. After show au C à Bourse, mon ostéopathe sirote un cocktail mauve avec Brian M, le chanteur d’un groupe luxembourgeois international. Michel Michel décide de vivre selon les principes kantiens. Dans un monde sans mensonge, et par là, dans la paix éternelle. Ceci n’est applicable à priori que si l’on épouse tous les mêmes principes, au nom de l’égalité des consciences. Mais à y creuser de plus près, quelle est la nécessité de dire toujours la vérité ? Imaginons un dialogue dans un monde parfait : -Vous êtes très belle. –C’est vrai ? – Non, mais vous avez les lèvres bien épaisses et une poitrine avantageuse, ce qui excite ma concentration de testostérone et me donne envie irrémédiablement de faire l’amour. Quel ennui. Ce serait un monde où on supplierait de mentir. Alors Dieu ou n’importe qui d’autre descendrait sur Terre et fait homme en rasta allemand touffu, il toucherait la vérité du doigt pour la changer en verbe, et il se mettrait à raconter des histoires qui seraient vraies ou bien qui ne le seraient pas pendant près de quatorze heures au Rex dans l’angle mort à côté du bar pendant que Laurent G repousserait pour nous les limites du réel à coups d’éléments sonores comme s’il n’y avait pas de lendemain, et nous sommes les particules suspendues au vide, agités dans l’éther, reliés au monde par les sens et la fréquence des vibrations, seuls tous ensembles. C’est à peu près comme ça que les choses se sont passées.


Bande son idéale : LCD soundsystem – Get Innocuous!